Ce serait un jardin de longues envolées Une entrée dans le pays natal où respire l’Infini La tranquille et lente remontée vers le visage de l’Intime Un creux dans le silence murmuré d’une éternité Tu ne peux confondre le vent venu des horizons lointains Et le souffle naissant du pays des enfances. Véronique Guerrin ( Je vous remercie de me prévenir si vous voulez utiliser textes ou images qui sont ma propriété.)
vendredi 7 février 2014
lundi 3 février 2014
Dans le frémissement du jardin. Pour Anne Everett Headley
Anne Everett Headley |
Des arabesques aux feuillages élégants dans la petite cour aux vieux puits. Aux fenêtres de bois, s'accrochent des tentures indiennes, en haut du mur, un dragon de papier venu d'Indonésie, dans le coin, un fauteuil usé. Des boîtes de bois, un vieux bureau d'écrivain qui donne envie de travailler, des toiles aux murs : natures mortes, portraits et d' anciennes photographies. Quelques ustensiles de cuisine posés sur la petite table ; dans la bibliothèque, des livres de peinture et des souvenirs aussi, petits objets ramenés de voyages, cadeaux offerts par des amis de passage. Ces fragrances dans la pièce de vie viennent du passé,
de la campagne, là bas, au pays de son enfance, dont elle ne parlait que peu, et des
rires au creux de la cuisine odorante. Une maison qui dépayse, un jardin de simples, d'odorantes flambées de couleurs, des poutres et des bois vieillis, beaucoup de clartés, le chat, le chien et des fleurs et des fruits comme dans un poème. Les deux maisons se ressemblent, une atmosphère douce et humaine, un lieu de repos et de certitude.
Vezelay m'apparaît vide, sertie d'une lancinante absence. On penserait croiser Anne, au bout de la route, ou tout à l'heure quand on descendra. On penserait l'entendre parler en bas du village, ou sur le parvis de la basilique mais non, elle n'est plus avec nous. De savoir qu’elle peut encore peindre, découvrir, étudier, voilà qui
me comblerait. De le croire possible est une joie.
J’aimais capter son regard qui s’enfuyait,
par moment, si loin de nous, animé d’une
profondeur insondable, comme pris dans une vision d’esquisses et de sons, enlevé dans l’abysse d’un songe ; certainement ses instants de
ressourcement. Son regard, percutant ou calme, ironique ou moqueur mais si souvent indocile, turbulent : l’étonnement d’être de l’enfant.
Anne Everett Headley |
Tout à coup, ainsi, s’arrête la vie. Sans annonce, sans prémices, une rupture douloureuse qui fait éclore au fond de l’âme un bouleversement. J’aimerai pour son œuvre peinte, la pérennité et la reconnaissance mais cela, le voulait elle ? Certainement puisqu’elle désirait scanner ses peintures, ses aquarelles, ses icônes et en faire un blog, peut-être. En même temps, elle savait que le fait de pouvoir travailler son art au quotidien est déjà une grâce de la vie, un possible abandon à soi même, un don aux autres.
Un éparpillement de tableaux et d’insolites réminiscences, en ce moment, en moi m’évoque un palimpseste ; sur toutes les images souvenirs
qui sont en mon cœur, les natures mortes se reflètent dans le miroir des
saisons : le miroir du jardin aux glycines ; se mêlent aux fleurs des
tableaux et à celles des vases flamboyants de pourpre et d’or, les éclats de
voix, l’aboiement du chien noir et du chien blanc ; le manteau dans l'entrée, les légumes préparés dans la marmite, l'eau qui chauffe, des éclats citronnés dans une petite assiette ; s’y emmêlent les visages des saints sur le mur de la
chapelle orthodoxe et les corps de ceux qui marchent dans le jardin de la petite
maison ; s’y entendent les rires des enfants qui jouent au bord de la Cure
et les accents étrangers des touristes sur le chemin qui monte.
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Anne Everett headley / |
Maintenant, ce sera un autre
silence, celui du vent sur la terre humide où quelques fleurs sauvages viennent
dire l’amour, le temps qui passe et l’espérance ; celui d’une croix
dressée vers le ciel comme un signe de relèvement, comme assurance de cet autre
lieu où elle vit, où elle marche, où elle peint.
Autour de la basilique, des oiseaux
noirs tournent et se posent, vibrante atmosphère aux couleurs d’un hiver bien
froid. Il pleut. Les arbres si lourds se tendent, des battements de pierre,
claquements de volets et les pas décroissent sur le passage boueux. Un séjour
de repos qui dessine une spirale. Un endroit de fraîcheur : j’imagine une
fontaine, dans un beau verger, des pétales légers et des parfums printaniers.
Pourtant, nous ne savons rien de cet
ailleurs, entrevu parfois au cours d’un rêve qui nous poursuit alors. Nous
voyons le nuage, le soleil mais la terre tourne encore et roule vers l’inconnu
et nous ne recevons rien, aucune réponse à la lancinante demande de notre coeur.
Le crépuscule semble se dérouler à l’infini, sans fin ? Et revient et nous
hante, nous attire vers le fond de la vie, là où la terre est avide, là où
l’argile rouge creuse invisiblement nos chairs de rides et de sillons, silence
encore qui viendra après les rafales de neige.
Mais quand viendra donc la
neige ? Le jour s’efface déjà. Les yeux se ferment sur un atelier
lumineux. Des pigments dans des pots de verre. Des chasse-oiseaux, éphémères
créations et amusantes, espièglerie. Bouts de fil de fer, de ficelle, d’objets
récupérés, qui ressemblent aux accroches rêves des indiens.
J’imagine le meuble blanc et long
empli des natures mortes. J’ouvre mentalement les tiroirs et je regarde. Comme
j’aime ces couleurs, ces nuances, ces fruits et ces fleurs, ces tissus agencés en
apothéose de mouvements. Là, la vie est belle et douce. Même si par la fenêtre
arrive la mort. La vie est tendre et calme. Même si le tiroir se referme et que
les images dorment. L’atelier est lumineux, d’une clarté d’avril, vide
désormais mais est ce bien certain ? Car la présence est là, des oeuvres achevées, d'autres inachevées, des senteurs d’huiles et de pigments, de fleurs d’oranger à l’aube
d’un autre jour et des cascades de gourmandises, la saveur de vivre. Peindre : révéler/dévoiler la splendeur de la vie qui nous entoure est une joie et une souffrance. Peser entre ses doigts et ses yeux, sur la balance de
l’équilibre l'essentiel, déployer le murmure de la nature
pour qu’elle vibre sur le papier. Comme des grains de sable rouge, d’ocre
organique, de bleu minéral, des couleurs en mouvements.
Je ressentais pourtant, venant d’elle,
une forme d’insatisfaction. Etait ce manque de temps ? De moyens ?
Non, c’était plutôt, me semble t’il, cette
inlassable recherche et ce désir d’ apprendre, de s’améliorer sans cesse qui
l’habitaient ; ce sentiment de n’avoir jamais réalisé le mieux, le plus ; cette
volonté de vouloir se tenir encore plus proche du sensible. Et recommencer,
reprendre l’ouvrage avec obstination.
Le panier est là, en
bas, dans le salon. Le chien attend sa promenade. Dans la petite cuisine, un parfum de riz et de thé. Sur la table du salon, les tasses sur le plateau. La fenêtre est ouverte vers le jardin.
Je pense aux peintures du Fayoum, empreintes
d’une présence " photographique". Les visages peints par Anne en sont très
proches. Leurs traits sont pétillants, mobiles et vifs, les tonalités énergiques
et intenses. J’ai revu dernièrement ses autoportraits d’une texture tellement
ressemblante ; elle est là, on pourrait parler et rire ; ce n’est plus une
peinture, c’est son visage écrit avec la lumière.
Malgré un contact extraverti et joyeux, qui pouvait tromper sur sa personnalité Anne était très secrète. Elle savait garder ce qui est intime ou précieux au fond de son âme et ne l'exprimait que rarement. Du moins, pas avec "les étrangers" ou les moins proches. Il fallait s'approcher assez près de son coeur pour ressentir le feu qui était là, chaleureux et son ouverture à l'autre. l'amour de l'art, du beau, du sacré est lié chez elle à une foi profonde, palpable mais qui n'a pas nécessité de se montrer. Elle possédait une acuité dans le regard qu'elle posait sur les gens, sur ce qu'elle percevait et s'avérait être juste.
Une peinture douce, vive, lumineuse, simple et pertinente qui emporte, transporte, donne de la délicatesse aux moments de la vie. Une sensibilité fine et si juste et aussi une approche du chagrin, de la douleur que l'on pourrait appeler " douloureuse joie" vivaient en elle, cohabitant avec la hardiesse de vivre ,de lutter, de gagner, et ce, malgré des moments de solitude éprouvants. Et son rire, un triomphe au cours de certains passages de la vie, un rire comme un soleil.
Elle est vivante, dans le frémissement du jardin, là où le bruissement des feuilles des arbres s'élance et joue entre les plantes sauvages, là où la fontaine égrène ses chapelets de gouttes d'eau, quand les rayons ensoleillés glissent sur les nervures des herbes ; le parfum des fleurs du printemps l'enlace, repousse les ombres.
Malgré un contact extraverti et joyeux, qui pouvait tromper sur sa personnalité Anne était très secrète. Elle savait garder ce qui est intime ou précieux au fond de son âme et ne l'exprimait que rarement. Du moins, pas avec "les étrangers" ou les moins proches. Il fallait s'approcher assez près de son coeur pour ressentir le feu qui était là, chaleureux et son ouverture à l'autre. l'amour de l'art, du beau, du sacré est lié chez elle à une foi profonde, palpable mais qui n'a pas nécessité de se montrer. Elle possédait une acuité dans le regard qu'elle posait sur les gens, sur ce qu'elle percevait et s'avérait être juste.
Une peinture douce, vive, lumineuse, simple et pertinente qui emporte, transporte, donne de la délicatesse aux moments de la vie. Une sensibilité fine et si juste et aussi une approche du chagrin, de la douleur que l'on pourrait appeler " douloureuse joie" vivaient en elle, cohabitant avec la hardiesse de vivre ,de lutter, de gagner, et ce, malgré des moments de solitude éprouvants. Et son rire, un triomphe au cours de certains passages de la vie, un rire comme un soleil.
Elle est vivante, dans le frémissement du jardin, là où le bruissement des feuilles des arbres s'élance et joue entre les plantes sauvages, là où la fontaine égrène ses chapelets de gouttes d'eau, quand les rayons ensoleillés glissent sur les nervures des herbes ; le parfum des fleurs du printemps l'enlace, repousse les ombres.
Maintenant, lorsque je vois certains tissus, de
carreaux ou d’arabesques fines, certaines fleurs aux tendres coloris, pétales
si doux et si délicats, ou juste des
citrons ; un citron doré, coupé ou qui roule sur la table, alors, nous sommes tous ensemble, encore une fois, dans
le jardin de la petite maison, au cœur de la promesse de la lumière.
Véronique Guerrin
Véronique Guerrin
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