mardi 18 janvier 2011

Vorges, le temps des enfances. Dans l'Aisne, avenue de Vincennes.





Des arabesques végétales tourbillonnent, cherchent l’enlacement des plantes sur les aspérités du mur, les ombres ne se faneront jamais. Au pays de la blanche terrasse, la colline si loin, les tasses de café vides sur la table près de la fenêtre entrouverte, le livre encore ouvert… Et les tours du vieux château qui dorment, dorment encore et à jamais dans le repli de mon cœur.
J’aimerais à jamais cette maison blanche frissonnante au matin de Pâques et les chapelets du muguet du premier mai, ces fragrances nouées au scintillement de la marjolaine dans le jardin des replis, des intériorités spontanées. Les oeufs colorés sous les primevères, le lapin qui s’enfuit, juste une patte blanche… Je l’ai vu, le lapin des matins fleuris. D’ailleurs il a perdu sa corbeille devant le noisetier.
Corps d’aurore emmitouflé dans ce sari primevère : annonce de jouvence ; elle portait toujours ce tissu léger, couleur de violette aux pieds des arbres, cet élégant drapé précieux. Femme vivante, végétale, une Eve à la chevelure ondulante, de bord d’eau et de ciel si bleu… Le brillant scintillant dans le creux de sa narine, et le jaune des pommes dans le panier : « les pommes faisaient rouli -roula… Trois pas en avant, trois pas en arrière… » Tant de clarté et de vives couleurs : un matin ensoleillé aux éclats de vitraux.
Nous portons tous en nous une maison trop blanche dans la fraîcheur du matin, un bol de petit-déjeuner oublié sur la table, une rame de métro qui nous attend ou que l’on attend, des bruits et des cris dans la rue et la certitude d’une solitude qui ne nous laisse jamais tranquille… Mais qui nous emporte au-delà de nous-mêmes vers tous ces rêves perdus qui s’éparpillent en toute ville…Petits papiers envolés…

Il y avait, non loin du minuscule cimetière, à l’orée de la forêt, cette longue maison blanche sommeillante au creux de ses jardins parfumés. Peuplée d’horloges, de coucous qui ne sonnaient jamais à la même heure… Habitée de statues et de ...plantes, parsemée de fauteuils moelleux. Les noisetiers dansaient, ombraient de figures mouvantes le toit du poulailler. La petite porte de bois s’ouvrait en grinçant, dévoilait le petit chemin qui menait vers le pont et le ruisseau. Dans la rue, face à la grille blanche, passaient quelques tracteurs. On entendait le meuglement des vaches laitières dans la ferme d’à côté. Il faisait chaud. C’était l’été. Rappelle toi, les pièces étaient fraîches comme des oasis. Des statuettes figées, précieuses et insolites, venues de pays étrangers, ornaient les cheminées de marbre. Sur la table d’une chambre aux volets entrouverts, j’admirai les livres dont les reliures de cuir étaient incrustées d’or. Dans la cuisine, la vielle dame pétrissait la pâte à pain. La porte-fenêtre du salon était ouverte, le vent soulevait légèrement le rideau de mousseline. Et dans le grenier où nous pouvions parfois nous cacher et fouiller, il y avait de lourdes malles emplies de portraits, de manteaux de fourrure, de robes de soies et de satin, des gants de bal, des livres de prières et des images pieuses, des albums photographiques aux images jaunies. C’était le temps du calme et des vacances.
Il y a si longtemps maintenant. Je ne pourrai plus te montrer le vieux puits en ruine, au fond du grand jardin potager envahi de ronces, et, sous l’ombrage feuillu du tilleul, je ne pourrai plus m’asseoir et lire pendant des heures, à l’infini du soleil déclinant.
Ce temps est clos, scellé comme les mausolées. Juste au creux du souvenir, quelques odeurs de tartes et de pommes cuites, de sucre et de confitures chaudes. Quelques pierres moussues, des noisettes dans des paniers et des herbes qui s’entrelacent sur les grillages du poulailler.

ce qu'il me reste de Vorges











Vorges Avenue de Vincennes, des vacances inoubliables et magiques dans ce village de liberté et d'amour ;
 dans une maison blanche, en bordure d'une forêt ; le petit ruisseau, la porte de bois et le petit chemin de mousses et d'herbes, les pâtisseries Polonaises, les chansons, les promenades, et les rêves de l'enfance au rythme de la vie campagnarde et silencieuse de ce hâvre de paix situé tout près de Laon, au coeur d'un amour doux et protecteur.