dimanche 21 décembre 2014

Les anges frissonnent



Les anges frissonnent dans la haute forêt
Il faudrait croiser le long du chemin les clochards porteurs de trésors
Ce sont eux qui marchent dans les rues des cités,
Sur la surface bouleversante de la terre
En un labyrinthe ou une marelle,
jeu de pas, ou jeu de dés, jeu des hommes,
Lancer les pierres sacrées dans le cercle magique
Dans le ciel, les oies se sont envolées
Aux fenêtres des maisons, des sapins illuminés
Que veut dire Noël aujourd’hui ?
Dans la tempête, lutte le navire, un homme attaché à sa proue,
Mr Turner comme un autre Ulysse,
Lové dans la clarté et l’intensité de la lumière,
Aux vagues d’un ciel qui tremble, une voix qui chante Vivaldi,
Arias qui s’élèvent parce qu’ils dénudent les tombeaux
La mort est morte, disait une femme dans le vieux cimetière,
L’église est fermée, les vieilles pierres se meurent de trop de silence
Où est ton feu ô vie afin qu’il  brûle et détruise le mal rongeur,
Ce rat stérile qui se cache dans l’ombre, les poules sont effrayées
Dans le poulailler à la vielle échelle rouillée.

Dans la flaque gelée, l’enfant voit son reflet,
Le chat joue avec les flocons de neige, qui parle là-bas, entre les tombes ?
C’est une fillette aux cheveux tressés,
elle porte dans un panier des bouteilles emplies de larmes, va les vider dans le lac
Une vieille femme attend devant le lac glacé, elle cherche son frère disparu
Le grenier de la maison est en feu, les pages des livres se tordent,
Les flammes s’élancent traversent le jardin au saule pleureur
« Si tu veux pleurer prends mes yeux » écrivait Shakespeare
Je ne sais que le silence aux gouttes de brume
Dans l’aube qui déchire la nuit
Je ne sais que le prisme coloré qui me fait renoncer au sommeil
Pour m’en aller cueillir les fleurs des ombres perdues
Et marcher dans le froid matinal,
Dans le jardin pâle de l’hiver.
Ce serait le plus beau sang de l’homme recueilli dans la coupe d’or
Cette jolie fleur au cœur tranquille, la femme se penche lentement,
Les oiseaux se sont posés sur la haute branche noire,
Les feuilles lassées de l’automne pourrissent autour du bassin
Les poissons ne bougent presque plus,
dans l’eau se reflètent les branches nues de l’érable,
sonder son coeur c’est  entendre le cri de l’âme blessée
découvrir la joie des rêves ensoleillés
et pour un jour farouche, gonfler la voile blanche,
le bateau quitte le port, il faut parfois toucher de sa main tremblante
l’immense linceul de la douleur
pour enfin s’en libérer à jamais,
déposer les linges de l’origine dans le creux sec d’une solitude
oublier les personnages qui montaient
des étranges sentes dans le brouillard,
dans la patience du matin se ploient les tiges des fleurs
il faut prolonger le regard au-delà des frontières,
des paupières, au creux de ce vertige, le vide…
Et mourir des lueurs entrevues, disparues,
Les lettres déchirées, les enveloppes profanées,
L’avidité de la sorcière qui détruit tout,
Elle tend toujours la pomme empoisonnée,
Une pomme sur deux au banquet est empoisonnée,
Qui va commencer le jeu de la sorcière ?
Où se termine t’il ?
L’étoile chemine dans la transparence, le petit enfant ouvre les yeux
La lumière triomphe de toute désolation,
Transfiguration  de la tristesse et c’est une mise au monde,
Une renaissance dans le creux du songe,  une apothéose, les mains ouvertes,
Dans le miroir, ton dieu te cherche, le vent divise l’espace,
La chambre est close,
« Le soleil est dieu » disait Turner,
Apollon sur son char d’or, dort encore, pourtant,
Reviendra t-il parmi nous?
déployer les étincelles prodigieuses des poèmes  et des flambées,
trois étoiles rouges tombent sur la froide statue dans l’église perdue,
nous allons mourir de trop de joies ou de trop de peurs
nous allons vivre ainsi, de jardins de fleurs et de violences éparses,
de ces émotions oubliées ou de nos  gloires éphémères,
sur les autres planètes les étranges étrangers vagabondent,
des fusées vont et viennent, les poupées s’entassent, disloquées,
au fond du puits obscur,
Lala n’est plus, elle s’est allongée dans la terre humide,
A fermé ses longues paupières.
Il faudrait espérer un autre hiver,  ne pas glisser sur une plaque de verglas,
prendre chair dans le reniement, qui serait celui qui parle de consolation ?
Etre trop humain dans ses sueurs et ses tremblements,
Que se taisent les voix inquiètes, la guerre ne viendra pas demain,
Il y a eu trop de guerres,  la semence est tragique à répandre
Là où l’amour est mort,
le passé est enterré aussi en ces lieux où l’indifférence et les hurlements se sont unis,
contre tout silence de lâcheté il faut s’insurger
voir en plein jour les fossiles et les momies
qui stagnent dans le cimetière des suffisances,
la pluie lave le cœur, se mêle aux larmes, toutes ces eaux,
un déluge, une inondation, les digues du barrage détruites,
tout flotte, Ganesh écrasé dans la petite fenêtre d’un temple en ruines,
une mosaïque colorée, vitrail explosé.
Le dernier livre ouvert dans la bibliothèque
livrera le texte de la clôture inachevée.
Le voyageur porteur de cadeaux tressaille dans le jeu nocturne,
Une résonance inattendue le guide, c’est bientôt Noël,
un ange frissonne au carrefour isolé de la forêt, tient une lampe allumée,
« c’est une chute dans les heures »  écrivait Tvétaïeva 
C’est une chute, chut, et que tout entre dans le silence.