mardi 16 juin 2015

le cantique du cygne noir



Elle se souvient Les cieux étaient de ténèbres
Elle écoutait dans la nuit les voix humiliantes
C’est une chanson, celle de l’arcane du labyrinthe
Comme une vision, l’image d’un espace ouvert, Il est possible de s’y perdre
Sa porte dorée est masquée par un foisonnement de lierres et de rosiers
Aurélia est venue du lieu le plus profond du ciel qui brûle
Revenue d’un hier endormi Limbes qui s’effilochent
Sur les vagues de la mer Le ciel tremble encore
Les hirondelles tournent en rond au dessus d’un toit pointu
La maison est en ruines

Aurélia danse sur la plage Son corps souffrant reste une prison
La sorcière déambule dans le vieux château  Perd ses forces
« Adieu ma douce Ophélie Dors puisque tu veux dormir »
Le joueur de flûte n’a pas vieilli Il viendra s’asseoir près du puis lézardé
Fragile état de grâce presque poignant L’agapanthe de Bonne Espérance Si bleue
Dans le jardin Intime, ce sera un jeu d’ exorcismes Le feu flamboie  Il y a des enfants,
quelque part, qui portent serrés contre leurs poitrines des doigts de mort aux feuillages cendrés
Rêve gothique Cassandre attend en haut de la tour Roses de sable, l’enfant joue dans la neige Mes doigts de nuit s’épuisent
L’oiseau à la gorge rouge chante sous le lierre en pleurs Elle, c’est une orpheline sans âge La terre où elle s’endort est bleuâtre
Les oiseaux aux ailes noires tournent dans le feu des bombes C’est la guerre, une autre guerre Les gens marchent dans les rues Des errants Les églises sont vides Les temples morts recèlent des trésors rouges
De sang et de rubis Sang sur les draps La poupée bouge et pleure C’est la nuit dans la chambre La fillette se cache derrière le rideau rouge Une vieille femme porte une bassine d’eau fumante La lampe de chevet lance sur le lit des reflets terrifiants
Le Dieu que tu cherches est au cœur de la vie La fleur s’écartèle La vie s’écartèle Ouvre tes yeux, ton corps Alice est perdue au cœur du dédale Les cartes du jeu sont toutes les mêmes  Piques et piques Noir et rouge Le diable en chiffon les roses sont violettes Le jour sacrifié Pique et pique et colégram


Chiffons de rêve Aurélia coud avec le fil du labyrinthe  La robe de la délivrance Le cygne noir se penche vers l’eau fraîche parfumée de narcisses Ariane tisse avec Pénélope les linceuls des bébés Dans la terreur de l’éclatement Propulsion Explosion Am stram gram
Aurélia coud avec le fil d’Ariane Des tissus d’or et de limbes Sépulcres brodés Une voix chante Nuit tombée Nuit levée Max n’est pas mort dans le camps de Dachau Sur la tombe des amis perdus, va déposer la pierre de la mémoire Abracadabra et colégram la neige tombe
“Lala lalalala » Lala, la poupée n’est pas morte  Elle est sortie de la crypte aux enfants « Lalalala » Laleczka, c’est une mélodie polonaise Ecoute dans le vent Le poème des coquelicots Ecoute et meurs si tu peux Mais tu as peur La chanson de la pluie est celle de Zorba Danse et tourne Pique et dame Jeu de fleurs
Les papillons sont tombés morts dans les orties La terre mouillée fume, ce sont les cendres qui la font frémir encore et encore Et vole, s’envole Ailes sous une chaude pluie
Pourquoi craindre ? Pourquoi chanter ? Et marcher Pourquoi dire ? Que faut-il dire et ne pas dire ? Les pétales de roses ne font que s’abimer sur la terre « Carpe diem » Les enfants sont des abeilles Ils s’essaiment sur les routes asséchées  Suivent le joueur de flûte La flûte est de bois noir Au petit matin pâle
« Memento mori » Retour de flammes Comme un fleuve de feu Madeleine pleure, assise dans la grotte sombre Veilleuse éteinte Le crâne  à ses pieds  repose dans le repos du Dieu Ce sera comme une vie incertaine
L’absence, possession par un néant Devient la sensation d’une présence indissoluble L’oublié te regarde Mais qu’as-tu oublié ? C’est une sombre histoire La croisade des enfants qui marchent et vont si loin Regarde et joue Les morts font une ronde macabre dans le jardin des vanités
«  Vanités des vanités Tout est vanité » dit le poète L’aveugle, la muette et la boiteuse ne peuvent entrer dans la grotte Elles n’iront pas au-travers de la terre vers la ville de lumière aux sept collines
Le repos du cygne est son cantique Aurélia partira un jour avec le joueur de flûte On dit que son instrument de musique est de bronze et que ses vêtements sont rouges Il porte le chapeau du bateleur Qui est On ? Qui dit quoi ? Et pourquoi ? Un pas de deux Un pas de danse L’herbe écrasée Les fleurs foulées
Ophélie a conduit la femme qui marche lentement vers les enfants morts aux yeux ouverts Dans le jardin des mirages perdus Ils attendent depuis si longtemps « pourquoi ne vient-elle pas, celle qui sera notre mère ? » Ils jouent sur les arbres et dans les vagues, ils jouent à Peter Pan
Liesel regarde, écoute son frère qui vient la visiter la nuit Sa tombe est dans la neige
“Reviens” ! Toi qui cueillais les fleurs le long de la belle rivière Toi, devenue tendre endormie Au cœur de la mort, au creux de l’invisible Les enfants couvrent ta chair humide de pétales colorés Le cygne noir déploie ses ailes au-dessus de toi
François voit encore ses frères être engloutis par le lac gelé Voit encore et toujours, cela l’étouffe Asphyxie Les glaces se sont fendues Claquements Crissements Neige et froid Perclusion Lui seul est sauvé Pour combien de temps ?
“Ne te retourne pas !” Là-bas, des cendres volent sur les champs, sous le soleil Polonais Des fantômes errent dans les lieux désertés Et pleurent Ou prient Parfois j’entends leurs cris qui font échos aux plaintes des enfants délaissés, meurtris, torturés
Une femme vomit sur l’argile Secouée C'est un angélus Tremblante Léocadia  enterre sa petite Il fait si froid, c’est un autre hiver Une autre histoire Thérèse ne se souvient de rien Une petite buée Il fait terriblement glacial Et puis plus rien Un cauchemar poignant
« Je crois me souvenir de leurs mains si bleues » disait la femme qui marche lentement,  «  de ces mains Osseuses » L’étoile jaune, chiffonnée dans la poche, l’enfant ne veut plus être marquée
Stigmates La peur, les hurlements des policiers Sarah cherche son frère Mais son frère est mort La tombe dans la neige La neige qui tombe