Elle se
souvient Les cieux étaient de ténèbres
Elle écoutait
dans la nuit les voix humiliantes
C’est une
chanson, celle de l’arcane du labyrinthe
Comme une
vision, l’image d’un espace ouvert, Il est possible de s’y perdre
Sa porte
dorée est masquée par un foisonnement de lierres et de rosiers
Aurélia est
venue du lieu le plus profond du ciel qui brûle
Revenue d’un
hier endormi Limbes qui s’effilochent
Sur les
vagues de la mer Le ciel tremble encore
Les
hirondelles tournent en rond au dessus d’un toit pointu
La maison
est en ruines
Aurélia
danse sur la plage Son corps souffrant reste une prison
La sorcière
déambule dans le vieux château Perd ses forces
« Adieu
ma douce Ophélie Dors puisque tu veux dormir »
Le joueur de
flûte n’a pas vieilli Il viendra s’asseoir près du puis lézardé
Fragile état
de grâce presque poignant L’agapanthe de Bonne Espérance Si bleue
Dans le
jardin Intime, ce sera un jeu d’ exorcismes Le feu flamboie Il y a des enfants,
quelque part,
qui portent serrés contre leurs poitrines des doigts de mort aux feuillages
cendrés
Rêve
gothique Cassandre attend en haut de la tour Roses de sable, l’enfant joue dans
la neige Mes doigts de nuit s’épuisent
L’oiseau à
la gorge rouge chante sous le lierre en pleurs Elle, c’est une orpheline sans
âge La terre où elle s’endort est bleuâtre
Les oiseaux
aux ailes noires tournent dans le feu des bombes C’est la guerre, une autre
guerre Les gens marchent dans les rues Des errants Les églises sont vides Les
temples morts recèlent des trésors rouges
De sang et
de rubis Sang sur les draps La poupée bouge et pleure C’est la nuit dans la
chambre La fillette se cache derrière le rideau rouge Une vieille femme porte
une bassine d’eau fumante La lampe de chevet lance sur le lit des reflets
terrifiants
Le Dieu que
tu cherches est au cœur de la vie La fleur s’écartèle La vie s’écartèle Ouvre
tes yeux, ton corps Alice est perdue au cœur du dédale Les cartes du jeu sont
toutes les mêmes Piques et piques Noir
et rouge Le diable en chiffon les roses sont violettes Le jour sacrifié Pique
et pique et colégram
Chiffons de
rêve Aurélia coud avec le fil du labyrinthe La robe de la délivrance Le cygne noir se
penche vers l’eau fraîche parfumée de narcisses Ariane tisse avec Pénélope les
linceuls des bébés Dans la terreur de l’éclatement Propulsion Explosion Am
stram gram
Aurélia coud
avec le fil d’Ariane Des tissus d’or et de limbes Sépulcres brodés Une voix
chante Nuit tombée Nuit levée Max n’est pas mort dans le camps de Dachau Sur la
tombe des amis perdus, va déposer la pierre de la mémoire Abracadabra et
colégram la neige tombe
“Lala
lalalala » Lala, la poupée n’est pas morte Elle est sortie de la crypte aux enfants « Lalalala »
Laleczka, c’est une mélodie polonaise Ecoute dans le vent Le poème des
coquelicots Ecoute et meurs si tu peux Mais tu as peur La chanson de la pluie
est celle de Zorba Danse et tourne Pique et dame Jeu de fleurs
Les
papillons sont tombés morts dans les orties La terre mouillée fume, ce sont les
cendres qui la font frémir encore et encore Et vole, s’envole Ailes sous une
chaude pluie
Pourquoi
craindre ? Pourquoi chanter ? Et marcher Pourquoi dire ? Que
faut-il dire et ne pas dire ? Les pétales de roses ne font que s’abimer
sur la terre « Carpe diem » Les enfants sont des abeilles Ils
s’essaiment sur les routes asséchées Suivent
le joueur de flûte La flûte est de bois noir Au petit matin pâle
« Memento
mori » Retour de flammes Comme un fleuve de feu Madeleine pleure, assise
dans la grotte sombre Veilleuse éteinte Le crâne à ses pieds repose dans le repos du Dieu Ce sera comme une
vie incertaine
L’absence,
possession par un néant Devient la sensation d’une présence indissoluble L’oublié
te regarde Mais qu’as-tu oublié ? C’est une sombre histoire La croisade
des enfants qui marchent et vont si loin Regarde et joue Les morts font une
ronde macabre dans le jardin des vanités
«
Vanités des vanités Tout est vanité » dit le poète L’aveugle, la muette et
la boiteuse ne peuvent entrer dans la grotte Elles n’iront pas au-travers de la
terre vers la ville de lumière aux sept collines
Le repos du
cygne est son cantique Aurélia partira un jour avec le joueur de flûte On dit
que son instrument de musique est de bronze et que ses vêtements sont rouges Il
porte le chapeau du bateleur Qui est On ? Qui dit quoi ? Et pourquoi ?
Un pas de deux Un pas de danse L’herbe écrasée Les fleurs foulées
Ophélie a
conduit la femme qui marche lentement vers les enfants morts aux yeux ouverts
Dans le jardin des mirages perdus Ils attendent depuis si longtemps
« pourquoi ne vient-elle pas, celle qui sera notre mère ? » Ils
jouent sur les arbres et dans les vagues, ils jouent à Peter Pan
Liesel
regarde, écoute son frère qui vient la visiter la nuit Sa tombe est dans la
neige
“Reviens” !
Toi qui cueillais les fleurs le long de la belle rivière Toi, devenue tendre
endormie Au cœur de la mort, au creux de l’invisible Les enfants couvrent ta
chair humide de pétales colorés Le cygne noir déploie ses ailes au-dessus de
toi
François
voit encore ses frères être engloutis par le lac gelé Voit encore et toujours,
cela l’étouffe Asphyxie Les glaces se sont fendues Claquements Crissements
Neige et froid Perclusion Lui seul est sauvé Pour combien de temps ?
“Ne te
retourne pas !” Là-bas, des cendres volent sur les champs, sous le soleil
Polonais Des fantômes errent dans les lieux désertés Et pleurent Ou prient
Parfois j’entends leurs cris qui font échos aux plaintes des enfants délaissés,
meurtris, torturés
Une femme
vomit sur l’argile Secouée C'est un angélus Tremblante Léocadia
enterre sa petite Il fait si froid, c’est un autre hiver Une autre
histoire Thérèse ne se souvient de rien Une petite buée Il fait terriblement
glacial Et puis plus rien Un cauchemar poignant
« Je
crois me souvenir de leurs mains si bleues » disait la femme qui marche
lentement, « de ces mains
Osseuses » L’étoile jaune, chiffonnée dans la poche, l’enfant ne veut plus
être marquée
Stigmates La
peur, les hurlements des policiers Sarah cherche son frère Mais son frère est
mort La tombe dans la neige La neige qui tombe