jeudi 19 janvier 2012

Fiction Factories,Usines de mille et une nuits, exposition Philippe Calandre



Exposition Philippe Calandre à la Galerie Esther Woerdehoff du 10 janvier au 8 février 2012 Paris

Le chemin qui mène à l’usine pourrait être jonché de cailloux blancs, histoire de pouvoir retrouver son chemin au cas où il serait possible de retourner en arrière. Mais le but du passage jusqu’à ces lieux mythiques est plutôt de poursuivre la route…

On peut imaginer une frontière existante entre notre monde et ce monde des usines colorisées, transformées. Elles me rappellent la maison en sucre, la demeure de l’ogre, l’antre de Polyphème. Ou pourquoi pas ? L’île de Calypso.

Terres d’une étrange mémoire, aux reflets sévères également. La couleur s’irise au couchant du soleil. Le gris bleu du ciel se fond dans cet orangé d'une longue cheminée, offre une ambiance érotique, palpable mais il n’y a personne. Qui se cache dans cette usine ? Une fée ? Une sorcière ? Des jouets animés qui s’amusent dans la nuit tombante ?

Ou ce vertige d’Alice dans "la dernière fugue". De hauts murs impressionnants, infranchissables. Des cendres de destruction, d'une guerre, hier.

En ce lieu isolé, une vaste étendue de sable, blond, sur le gris des bétons infiltrés de vent. Au loin, on entend la sirène d’un bateau. Je crois que ces usines sont en fait, vues d’un bateau en partance. Le navire et les marins ne sont pas pressés. Ils passent très lentement devant chacun des lieux, où, imposante, une usine désaffectée retrace une histoire inconnue et qu’il faut imaginer.

J’aimerais comme Alice, boire un peu de "potion qui rend petit" ; entrer dans ces images offertes à nos yeux et explorer cet univers d’un conte contemporain. Comme Sindbad au détour des rochers.

Ou peut-être y a t’il, cachée dans l'une de ces usines, derrière ces pylônes et ces murs transparents de couleurs, la chambre à la clef imprégnée de sang !

Sur quelle tour entend t’on : « Anne, ma sœur Anne, ne vois tu rien venir ? »

Des chevalements gris. Des tours usées aux cheminées de fer. Colonnes d’une architecture baroque, sans liturgie, sauf celle du vent, des étoiles et des rêves.

Rouge comme une barque d’enfant ; château de sable, éphémère imaginaire d’un silence qui n’est ni pesant, ni lourd mais auréolé de songes. Les couleurs stimulent la sérotonine, on s’ensommeille comme on s’encanaille mais ça fait du bien ! Ce sont des portraits de friches inattendues et d’un monde inachevé qui facilitent l’accès à notre propre monde intérieur. Un vide s’ouvre, angoissant presque, qui nous propulse en ces plages de rêverie et de balade ou de perdition.

Ce n’est pas sans la crainte de voir surgir un dragon ou un grand loup. Peut-être seraient-ils blancs ou verts ?

Faudrait-il les combattre ou monter sur leurs dos pour découvrir les vues aériennes de ces usines mythiques ?

Des usines de mille et une nuits, attirantes comme des gâteaux d’orient, solitaires comme la princesse sauvage ; éloignées ou lointaines : terre de la licorne farouche.