vendredi 20 juillet 2012

Exposition Remi Guerrin "Confrontations, géométrie de l'intime"

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le jardin de Méridoul, l'enchantement / 2

















Le jardin de Méridoul, un enchantement.













Le jardin de Méridoul à Plouha : un enclos déhiscent.





Un jardin qui s’ouvre, en pleine maturité :  une terre qui n’avait rien porté durant quelques années, fructifiée maintenant, fluide, prospère dont le jardinier, passionné et passionnant, intarissable, offre les fruits de sa recherche et de ses études avec une voix captivante dont le Verbe végétal s’allie à la "complexe simplicité " de la nature et qui sait prodiguer des conseils judicieux, à la manière d’un enchanteur.
Je crois qu’il serait possible de l’écouter des heures durant car il aime son travail, et sait  transmettre.
Un enclos installé comme un jardin médiéval, un jardin ancien ; Les branches du  bois de noisetier sont attachées, posées en barrières , formant des parcelles closes, magnifiées par les couleurs des plantations. Isolé, entouré par des arbres : des bouleaux, des arbres fruitiers sur une dizaine d’hectares et qui pose ainsi une réflexion paysagère  manuelle et botaniste. Un jardin qui rappelle celui des Héspérides, celui d’Eden, le jardin de Mélusine ou d’Aphrodité, les prairies d’Asphodèles.
Dans ce paysage au bord de l’eau, aucun secret des plantes ne semblent résister  à nos interrogations.
Les mains du jardinier sont flexibles, rapides et  travailleuses ; de la terre au bout des doigts, il nous accueille et poursuit son travail : il plante en pots des fleurs africaines : des graminées. Il nous montre ses  pousses de palmiers dans l’ombre des trembles ; puis nous parle des agapanthes bleues  qui se dressent altières et fines tiges,   fleurs d’Afrique du Sud si bien acclimatées.
C’est un lent, calme parcours olfactif et gustatif ; un  voyage itinérant qui va de plantes officinales aux rosiers en passant par les sentes d’herbes gourmandes ou tinctorielles.
De petites allées insolites de Simples, de fleurs : verveine officinale au goût amer, amertume et vent de mer ; rosiers et lavandes, mauves et guimauves, angélique aux mélodieuses brassées embaumées et parfumées.
Les effluves odoriférants titillent vos narines au détour de chaque petit sentier. Un magnifique buisson d’églantier, des lys rouges, jaunes et oranges à la tenue irréprochable ; des roses anciennes, blanches, rosées, aux pétales ronds, touffus comme les voiles d’une robe de bal, au parfum subtil. D’autres roses de teinte  neigeuse  ou rosissante mais d’une  tonalité beaucoup  plus légère que les précédentes, avec juste quelques pétales ; fleur sauvage, cousine de l’églantine, plus indépendante, gracieuse et élégante.  les tiges sont belles, parfois pourpres, avec peu d’épines ou bien vertes  qui rampent et s’élèvent en une courbure végétale harmonieuse.
Des jonchées d’absinthes, de menthes. Quelques dégustations : découverte d’une plante inconnue, l’agastache funiculaire qui donne au palais lorsqu’on la savoure, un goût exquis de réglisse, de sucre, d’anis et qui peut se déguster avec une tarte, une salade. La menthe glaciale décoiffe quant’à elle. Il faut aimer ça ! Le parfum de la menthe bergamote est hespéridé et agréable ; La menthe citronnée m’a paru un peu doucereuse ; la menthe gingembre et la menthe ananas sont inattendues. Petite recette : du miel du fromage de chèvre sur une tarte avec de la menthe ciselée.
La valériane, la verveine citronnée, la verveine officinale, les menthes, un parterre de ciboulettes et de l’ail de chine,  la pimprenelle qui soigne brûlures, blessures, coupures en si peu de temps ; tant de couleurs, d’odeurs, de fragrances peu ordinaires mais qui font partie de notre inconscient collectif. On pense aux tisanes, aux médecines naturelles, à la phytothérapie, aux soins par les plantes. On se souvient des jardins de nos enfances où l’on aimait tant se pencher vers une rose odorante, cueillir des brins de ciboulette, déguster les framboises sous les rayons su soleil. Je suis étonnée aussi comme je trouve des similitudes entre le vocabulaire médical et le jardinage.
Rose, bleu, blanc et vertes tiges, des aquarelles de fleurs qui dansent sous le vent. Il  a beaucoup plu ces jours ci ; le vent vient de la plage ; Les rayons de soleil entre deux averses légères donnent aux plantes florecsentes une densité et une lumière marine.
Quelques roses impériales ou royales, altières et nobles comme la Chambord rouge presque violine ; d’autres roses plus voyageuses comme la Jacques Cartier ;  rose ancienne aux pétales de nacre pâle.
Un hymne s'élève, presqu'imperceptible : les tiges vertes ou rouges, ambrées se couchent sur la terre, s'élèvent, tourbillonnent, se déhanchent ;  les pétales bruissent dans le vent, entourés d'abeilles ; les légers plumetis de certaines fleurs se disséminent, se penchent et les herbes légères tanguent ou se tendent ; tous les végétaux  s'unissent en une mélodie, un chant aux perspectives colorées ; Des basilics, des  thyms ; du  romarin et de la sauge. Des achillées, achillées mille feuilles de tous coloris aux charmes nuancés. Des solanées, des  sauges. La rhubarbe et la rose qui se marient si bien. Des camomilles romaine et  officinale. Des coquelicots et des escholzias : pavot de Californie. Une poésie éclatante et légère pour un enchantement floral, vivace qui sculpte notre mémoire et pérennise ces instants de vagabondage entre les pousses. 
"Le climat dans la région est semi-tropical mais, dans ce jardin, explique le maître des lieux,  c’est malgré tout plus froid et plus humide. Pourtant, par ici, de Tréguier à Saint Brieux, ça gèle à peine ou pas longtemps, le climat permet d’acclimater les plantes tropicales. "
C'est un  perfectionniste aux gestes nobles, calmes, posés. " Demain, il fera jour aussi. Je continuerai  ce qui n’a pas été  terminé aujourd’hui " dit-il. Il vit au rythme de la terre, travaille dans les jardins, dans son jardin de Méridoul  et vend sur les marchés ses plants et ses fleurs ; nous l'avons rencontré chaque fois au marché de Plouha et à Plouézec. Très attentif et très professionnel. 
Quelques unes de ses phrases sont demeurées en nous, et suspendent le retour à la ville.
« - Pour les boutures de rosiers : couper avant l’œil, pour ce qui deviendra racine, sur le bois aoûté donc sur un bois qui a déjà fleuri et au mois d’août.
- La terre est soumise ici à un Micro Climat généré  par le golf stream  qui offre de la chaleur et moins de gel, ce qui permet aux plantes tropicales ou semi tropicales de se satisfaire de ce sol et de s’y enraciner.
- La rue possède des  feuilles que l'on utilise dans certaines potions médicinales mais elle peut être dangereuse car elle est photosensibilisante et peut nous  brûler lorsqu'elle se trouve dans les rochers, près de nos peaux.
- la  courbure donnée à la branche de rosier envoie la sève dans les bourgeons.
- Ici les palmiers se sont bien acclimatés ; les graines et les plantes apportées par les armateurs au long cours se sont installées comme en une  terre promise.
-La camomille officinale permet de guérir les conjonctives par des bains d’yeux.
- Il faut  scarifier les graines de pivoines :  récolter en août les graines puis, dans un pot, disposer une   couche de sable, une couche de graine. Ensuite, mettre le pot au sec au nord et  protégé de l’eau, sous un arbre, c'est pas mal et le laisser retourné. Ne pas y toucher avant  6 mois ; en avril c'est bon. On les plante ensuite et on a de magnifiques  pivoines botaniques. Comme pour la  glycine, 7 ans avant floraison.
- Les plantes azotées : orties et absinthes, consoudes permettent de puiser et de dégrader l’azote de la terre ; déposer  leurs feuilles  ensuite en jonchées pour tapisser le sol sous les  pieds des rosiers qui ainsi, par ces composts naturels  peuvent se nourrir et s’enrichir.
- Un rosier malade est un rosier qui a faim ; il ne reçoit  pas assez de bons microbes et de minéraux pour rester en bonne forme.
- L’exubérance de certaines plantes est adoucie par des herbes plus sages ; un lieu intime, secret qui se dévoile pas à pas ; gestion écologique ; faune et flore voisinent en paix ; prendre le temps de sentir, ressentir ; écouter et regarder.
- Ici, c'est une terre qui permet d'acclimater les plantes australes, africaines : cactus, palmier, agapanthe.
- Les feuilles de rhubarbe peuvent tapisser le sol pour un compost et une protection.
- Psychologie des plantes : les ifs bordent les cimetières; ils parlent des endroits sombres, génèrent une atmosphère soit  lugubre et noire soit mélancolique ou invitent à la méditation, à l'approche de la mort mais son bois confère également la longévité, l'immortalité.  Le saule pleureur amène la mélancolie, porte notre tristesse. Le  noyer fait que rien ne pousse sous son branchage.
- Peu de roses jaunes :  la rose jaune est une rose de culture et de recherche ; elle aime la chaleur. Les teintes de ces roses ne se mélangent pas car il n'y a  pas d’hybridation :  tout dépend de la génétique de la plante.
- Les pétales fanés tachent les feuilles, rendent malade le rosier. Il faut enlever les fleurs et les feuilles malades, ne pas les laisser au pied du rosier. »
Nous avons quitté l'hospitalité de ce jardin insolite et poétique dont le naturel est façonné par la flexibilité des  simples et l'élégance des roses. Un jardin qui dit comment se soigner par les plantes médicinales ou officinales : vertus des modestes Simples et comment se nourrir avec les  légumes, les fruits, les plantes condimentaires ; un jardin qui  dévoile  la beauté d'un espace par des perspectives et des courbes choisies et qui enchante l'ambiance par ses fragrances végétales et florales.
Un jardin ouvert à la croissance et à la vie où l'on cueille et se recueille.  Un jardin d'ombres et de clartés, non loin de la mer, non loin du château de Lizandré, à Plouha, où il fait doux se promener, où l'on reviendra.