samedi 27 novembre 2010

CHRU La nuit

Une autre nuit.
Chambre 13, elle est jeune, jolie, quelques cheveux repoussent sur son petit crâne. 20 ans, le bel âge dit on. Un abcès au doigt, des bilans, des soins, un interne qui se trompe de fiche de bilans, une nouvelle attente, et le résultat arrive : leucémie, immuno- dépression. L'inattendu. S'enchaînent des semaines d'hôpital, avec une aplasie, un syndrome de lyse et un long séjour en réanimation... La peur et le courage se mêlent dans son regard ; punaisé sur le mur, à côté de la fenêtre, un Maitre Yoda qui lui donne "la force" de combattre. 
Chambre 16. La dame se plaint, gémit, elle en a plus qu'assez d'être piquée, repiquée. La fièvre monte, vessie de glace, et la colère grimpe aussi. 
la patiente : "Laissez moi tranquille ,j'en ai raz le bol de vos aiguilles"
L'infirmière: " Vous êtes venue pour être soignée alors laissez vous faire, sinon,vous signez une décharge et vous rentrez chez vous... "
L'aide-soignant: " tout dépend de ce que l'on met derrière le mot soigner : dorloter, consoler, panser, caresser, masser ou alors piquer, torturer, persécuter...
L'infirmière: oui mais là tu exagères, madame, moi non plus ça ne me plaît pas, mais tout ça c'est pour votre bien." 
Chambre 12 : Une petite dame fluette et démente : " Au secours ! Je suis revenue de la fête de la musique et on m'a assommée et on m'a enfermée ici, au secours ! je veux m'en aller !"
Chambre 3: la jeune femme a le crâne nu, son foulard tombé sur le drap, épuisée par les chimios, le regard perdu... Elle veut le bassin, n'arrive pas à se soulever.
Chambre 9 : un vieil homme antisémite qui a étudié la médecine avec un savant juif pendant la seconde guerre mondiale. Il lui apportait de la nourriture, du canard en échange de son savoir que cet homme lui dispensait dans des caves ou des greniers, il était son seul élève car tous les autres avaient peur !  mais il ne l'estimait pas car c'était un ... Je lui dis qu'il est antisémite, il me répond que "non, pas du tout et puis aussi c'est normal, ils ont des "g. de J. qui se reconnaissent de loin !" Quant'à moi, je lui dis que ses propos sont horrifiants et que cela m'étonne de la part d'un scientifique réputé intelligent. Et que de toute façon... Il rit et voici sa réponse : " jeune fille! Vous ne savez pas ce que vous dîtes ! J'ai étudié et j'ai raison" 
Hypnovel branché, elle est trop âgée, trop souffrante, personne ne vient la voir jamais, elle est démente en "phase terminale " ! Un cas "perdu", il ne reste plus rien à faire qu'à attendre que son coeur s'arrête de battre. Ou appeler l'interne pour qu'elle l'aide à "partir sans trop souffrir", cette nuit, je suis avec une  soignante demandeuse, et "passionnée par les soins Palliatifs ; elle a du mal à vivre les images que véhicule  la mort dans son âme, elle a du mal à survivre à chaque mort,  alors, elle s'énerve ou elle crie, parfois tellement agitée que j'ai envie de lui mettre une camisole de force o ude verser du bromure dans son café !   J'ai appris la mort d'un gentil petit papi dont l'épouse au comble de l'angoisse pressait le personnel de questions et qui priait le soir pour que son mari revienne à la maison faire son petit tour de jardin avec sa cane comme avant. Personne ne lui disait rien de la vérité, de la réalité qui l'attendait... Sois disant qu'elle n'était "pas capable" d'entendre ! Il est rentré chez lui, est décédé quelques jours plus tard. Certains soignants imaginent que ce n'est pas grave, "comme c'est bien d'avoir une personne âgée en moins", moins de toilettes le matin, moins de changes". Et pourtant il y en a certains  qui ne se gênent pas du tout avec les changes, les bassins, les lits souillés ou les patients mal installés, ce sera l'affaire de l'équipe suivante ! C'est tellement mieux de jouer à l'ordinateur, de pianoter sur son portable. Il est terriblement difficile de vouloir et pouvoir  travailler quand on se trouve être confronté à des habitudes et à des stéréotypes, à une force d'inertie épuisante, "tu ne vas pas répondre à la sonnette, ce malade est capricieux, le 18 est trop pénible, tu ne changes pas la personne, tu laisses sonner, non, tu ne portes pas d'eau, rien du tout, tu restes assise, tu n'y vas pas"...  Ah! Misère, le chagrin et la souffrance des pauvres souffrants et de ceux qui les accompagnent. Ah ! Misère le poids à porter de sa conscience quand on a le sentiment d'avoir été si seul, certaines nuits, dans la lutte pour le bien-être et la paix des patients. Ceux ou celles qui s'énervent, crient, claquent les portes, se mettent en colère, agressent personnel ou patients, sont des poisons qui nous détruisent lentement. Comment supporter ? On vient avec les jambes en coton, on voit et on se tait, on essaie de faire autrement, on console, on protège, on aimerait hurler cette angoisse face à certains agissements inacceptables. Il paraît que c'est partout pareil, qu'il faut faire avec tout un chacun, que cela n'est pas grave ,qu'il ne faut pas projeter, que personne n'est parfait, etc... Comment dire ? Les larmes et le chagrin quand on n'en peux plus de lutter et de s'opposer. Comment ne pas craquer ? Ne pas se blesser ? Comment ne pas en arriver à avoir la "haine au coeur" et la "peur au ventre" ?

lundi 22 novembre 2010

l'automne





















C'est l'automne, aux couleurs si chaudes, éclats de soleil dans les branchages nus, quelques feuilles qui volent, s'envolent. Flaques d'eau de pluie, quelques rires de l'été qui jonchent le sol mouillé. Les herbes hautes se fanent, dans le bassin, le reflet du ciel est gris, les nuages s'échappent comme des fumées, sur les vitres de la maison, de la buée, brouillard du matin.
En passant dans le cimetière, j'ai rencontré une toile d'araignée. Par le vitrail brisé j'ai entrevu un paysage funêbre de pierres, de lettres enlacées et de silence.