vendredi 10 décembre 2021

le voyage de Pénélope

 

Dans le reflet de l'arbre
au fond de l'eau
le village englouti

Une sirène parfois
coiffe ses cheveux
et chante la complainte
de Pénélope

Derrière l'arbre noueux
aux racines d'eau
dans le gouffre de l'île

où il y eut un volcan fou
une magicienne a sa maison

Potions d'herbes folles
et fleurs de l'été
tisanes,
huiles réconfortantes

Une femme seule
dans une barque
s’approche en ramant
de l'arbre aux fruits de vent

 Le vent souffle au cœur des nuages

en écho sur l'eau troublée

le corps de la sirène
se penche
étonné
vers le son d’une harpe


Sur l’eau en vagues
ses cheveux dorés
au soleil couché


Et la la nuit venue
un étrange souffle

Pénélope attentive se tait encore
ne répond pas
serait ce une illusion ?
Un rêve ou un songe
qui lui fait entendre
la voix d'un dieu

On raconte que l'arbre est magique et que ses racines cachent un trésor

C’est  par cette île qu’on y accède
par des souterrains creusés il y a si longtemps

les hommes rouges les façonnèrent

il y a si longtemps

que nul ne s'en souvient

Dans ces souterrains éclairés par des lumières étranges presque irréelles
on rencontre parfois quelques squelettes

on y trouve des plumes de toutes les couleurs

des arcs et des flèches

Mais c’est un dédale
La voix dit alors :"- tu ne prendras le tunnel que si tu ramasses assez de cailloux blancs pour marquer ton chemin 
Il  y a une clairière dans l'île

au nord où les cailloux blancs brillent d'éclats lunaires

c’est à la pleine lune qu'il te faudra les ramasser »

- « mais comment trouver l'entrée du tunnel ? » demande Pénélope?

Il te faudra plonger et nager jusqu'à ce lieu mythique

où le taureau blanc rencontra la belle Ariane.

Il te faudra un collier de fleurs de jasmin blanc

que tu offriras à l’esprit de l’île

en les déposant sur le trident de Neptune

 

Au fond de l’eau salée
Pénélope se laisse glisser
une chute lente
dans un air liquide
Inconsciente, portée
par des vagues souples
et des algues en berceau


Elle repose seule
au fond d'une grotte
où scintillent
des lucioles de mer

Amphitrite en robe de lune s'approche d'elle
soulève sa tête
Verse sur son front
et dans sa bouche
une eau de vie verte

Poséidon frappe de son Trident
le sommet de son crâne

Pénélope s'éveille doucement
elle ne craint pas

ne souffre pas n’a peur de rien


La compagnie des dieux
lui semble familière

Au centre de la grotte
un lac sillonné
de flammèches

Au milieu de l’eau

sur un socle d'or
la statue d'un taureau blanc qui porte un collier de jasmin blanc

Pénélope se redresse
salue les dieux
en se courbant

Amphitrite la bénit
lui tend une coupe

Elle doit boire
sans respirer
d'un seul trait
l eau du Léthé

Puis elle se souvient
comme Perséphone
Eole sortira d' Hadès
trouvera
le chemin de l'étoile

Les dieux ne sont plus là
Elle marche
au long du tunnel
sous la mer vaste

C’est  toujours tout droit
comme c’est singulier

Elle marche
des coquillages éclairent
d’une verte clarté

la paroi rocheuse

Elle va ainsi
de longues heures
comme en un songe
jusqu'a parvenir

à une porte de bronze
sculptée d’un cercle de sept dauphins

Au centre une sirène
qui porte un glaive

C’est alors que

une fille de l'air...

l’'air de rien
rien du tout
tout à laisser
c’est a prendre

apprendre de l'air du temps
du vent qui souffle
de l’eau dans la grotte
et le taureau lui aussi vole
c’est un Pégase taureau

un aigle immense vole autour d'eux
les entraîne dans son sillage
les étoiles tournent à l'envers
vers un trou noir
noirci de plumes et de suie
suivant le sens
d'un vent cent sens

sans sens
qui forment une nouvelle constellation
de Sion et d'ailleurs
d’ailleurs l'aigle qui fend l'air ralentit son vol
et se pose
repose...

là bas où  tout ce qui se passe

appartient à l’espace

Pénélope attentive se tait encore
ne répond pas
serait ce une illusion ?…

mais enfin personne ne parle

juste le chant des vagues au loin  



 

mercredi 8 décembre 2021

les anonymes, comme un voyage, comme un rêve /Paysages d'exil /

 


Ce qui repose dans le silence

C’était là-bas, en cette oasis de souvenirs, là où s’agitaient les poissons dorés

Elle marche ainsi sous le poids d’un corps

De deux corps De centaines de corps, de centaines de trahisons

Mais de temps en temps, à plus d’un jour de flammes,

Reprendre la marche sur le chemin des noueuses poussières,

Déchirer ses racines sur chaque barbelé traversé

La corde se balance au gré du vent Au fil des rythmes nocturnes

Il serait bon, il serait doux, cette urgence de vivre

Un état de siège, une fuite inachevée

Juste des lambeaux de tapisserie décollés d’un mur,

Les clandestins fouettés de passage en passage

Verts de gris D’aveugle Eleison au fouillis des escales,

Echos dans le puits des vents, berceuses fatiguées, cris sous les tentes évacuées

Des mouvements désenchantés de gris profils errants

les clandestins fuient sur les autoroutes, dans les dunes, sur les plages,

La sorcière balaie les éclats de bois, les mots sucrés, les restes de gâteaux

Eclats de voix, débris de rêves, voyageurs anonymes

Sur la vague nuageuse tournent les mouettes

plumes lunaires, éclatement du soleil qui module sa vibration chaude

morceaux éparpillés dans le souffle d’un cri, ils se noient,

Des mains se tendent Des doigts se ploient

Prière sur l’océan des larmes, être vivant pour encore si peu de temps,

Ils s’avancent ainsi vers la forêt des ombres

Tout autant de fantômes sans repos, la part nocturne s’enroule,

Pour le moment les années perdues perdurent

Déchirent ce qui déborde en l’instant de la mort

Les camions ralentissent, les bateaux de funestes augures

Se fendent, déchiffrent la peur, voile chaque sourire,

Paralysie de vie, plumes ou vagues lisses, vagabondent ou ruminent

Sur ces plages incantatoires

Figurer ce qui se plie, se déplie

Ecrire Fuir Changer de terre Tentative de résurrection

Sortie du tombeau Linceul déroulé Bandelettes jetées aux quatre vents

Abeilles et coquillages pour tempêtes et sables

Retrouvaille avec l’éternité,  papiers déchirés de ceux qui n’ont plus d’identité

Mon ombre est esprit, peut-être statue morte

J’ai croisé le regard de la gorgone Effigie grise au fond de la mer

La boite est inlassable, emplie de lettres, de pays en pays,

Aller vers un autre, vers l’Hespéridée

Chaque mot, chaque mort  porte en lui la puissance sacrée d’un dieu seulement personnel

Toute illusion envolée Une image de tarot, l’étoile  Renoncer au vide

Ecrire porte le cri et crie l’enfant perdu

Les longues plages transcrivent les foisonnances,  

les rythmes des cœurs roulés dans l’écume verte

la petite fille joue avec ces grains, ces graines dans le jardin secret

une lune gothique perce les secrets, déchiffre la clameur des endormis de la vague sombre

se répercute en un souffle imprévu




 

d’un bord à l’autre de la maison abandonnée

sur la terre étouffée de feuilles

La main tendue d’une enfant aux chaussettes blanches

Des cerises d’un rouge sombre, presque noires,

Comme la nuit, ou l’éternel repos, serait-ce un repos que d’être dormant

dans un creux de terre ou de cendres après le feu, l’incandescence ?




 

La grisaille d’une guitare si lente

Qu’au cours de l’automne

Si long, le temps - absorbant toute respiration-

serait feuilles et rondes de vent

là où le corps de la falaise touche le ciel

Les vagues ruissellent sur ma fenêtre

Tout est bleu dans mon bateau

Le silence, audacieux, d’un arbre aux fruits dorés

S’insinue dans chaque interstice  Et ne ment jamais




 

Il existe un lieu d’ombre glacée

De neiges et de frissons

la vie, cantique à l’envers,

chant des nuages annonçant tout orage

une eau de neige éventre la plage, à la légende des disparus

faire corps avec la brisure du couchant




 

le bateau ne prendra plus l’eau, -il se fige parfois – s’éloigne de moi

L’aveugle chante Eleison, sa voix s’éparpille en mille mouettes affolées

Ce qui cisèle les six ailes des chérubins se blottit dans « le cimetière marin »

En cette lamentation des rescapés, au sein des respirations salées

Chaque courant court vers le large, prendre le large

Courir, fuir, flotte en mes veines un parfum d’embruns,

 




de vagabondes sauterelles ou de ce goéland perché sur le toit

une maison solitaire sur la falaise

au haut de la dune, tout ne serait qu’un mythe

je ramasse des coquillages, silence moi aussi,

sans audace, le sable doré au soleil couchant

la main d’un dieu perdu dans le miroir,

reflet d’un hier, les yeux de la gorgone,

un étrange éclatement,




 

Plutôt oubliés, les os tremblent, de froid, treize degrés à l’ombre d’une salle rouge

un matin qui vacille, les frissons des étoiles sur fond de nuit bleutée

un étrange mouvement dans le cœur fait frémir la buée sur le miroir

qui se regarde et se perd ? Le sang se cache dans les artères,

de mer et d’écume incendiées

des pages flamboyantes - lettres brûlantes

d’une sonorité familière, elle est là, elle va, elle vient

aucun repaire possible dans les dunes, une citadelle de cierges devraient brûler les cieux

sur la plage des trépassés en une eau couleur de mer, d’océan

lancer des cailloux de mémoire, des fleurs, des offrandes, L’aveugle chante Eleison,

le café sombre dans la tasse bleue

parcelles de chairs brûlées et ces cendres

de précieuse épines crissantes immobiles

s’envoler au lointain des mortes verdures, glissantes




 

Tu n’es qu’une allégorie dans l’apparence d’une ronde

le soleil est blanc sur la frontière de clarté

survoleras-tu la vague ? Tu n’es qu’un oiseau de passage

l’inscription des jours oubliés portent, emportent tous stigmates

sauvage, indomptable la marée au creux des yeux

la poussière dans chaque repli du vent

les fleurs disparaissent, chant de songe

songe aux plumes qui frémissent dans ta poche

fille de la nuit primitive, laiteuse, la déesse blanche si pâle

sur son corps se figent, scintillent des perles d’eau





 

Fuir au-delà de toute dévastation, de toutes surveillances,

les émigrés dorment sur les vertes herbes glacées

certains se sont endormis dans le creux d’une mer muette, inexplorée

des enfants danseront sur les feuillages opalescents

en une subtile cérémonie, souvenance

ce qui tombe du ciel ne fleurit pas, ne remonte pas vers les nuages,

certaines actions semblent étranges,  la muse se meurt, elle n’est rien





 

La lune était bleue, figure indomptée, détachée des dunes,

dans son cercle inspiré par la mer

ce qui frissonnait sur le sable, ces lambeaux de vie, ces valises vidées,

 ces rêves devenus tombes liquides, aux mains sauvages de dieux inhospitaliers,

les vies scellées au loin de la patrie

 

La lune s’évanouit en une aura de feu, de cyclamens

Ariane à jamais abandonnée, enlacée par les vagues

ce qui se fixe en maison 12 où culmine un soleil sans force

 

Tout ce qui se perdra au fond des nuits d’insomnies

pourrait devenir enluminure, souvenance

et fendre de citrons, d’oranges, les ailes des anges

ils avaient faim, froid, seuls, bousculés, là où la brume enlace les coquillages,

coquilles creuses pour chaque âge sacrifié

la mort aux ailes de corbeau les confie à l’immobile apaisement,

leur a fait perdre l’origine, il n’y aura pas de boite, ni de pierre dressée,

le drame s’achève en majuscule d’un désastre

 




Il y aura pourtant un temps de souvenance, de vertigineuses incandescences

ce qui nous étourdit est achèvement

au fond de la mer, en une cadence obsédante

pérennité au roulement des écumes, chevelures stellaires,

les nouveaux endormis sommeillent sur la vague qui vacille.


Peut-être, cela n'existe pas Ces anonymes poursuivis 

Peut-être, ces pays lointains ne sont que fraîcheur et délices

Ariane ne s'est pas perdue sur une île Les clandestins ont franchi chaque frontière

et plus aucun Eleison ne se fait entendre au long des plages 

de verres explosés, de bouteilles jetées, de songes évanouis

alors l'aveugle pourra chanter la chevelure des nuages

la beauté de la mer ensorcelante 


Pourtant hélas les nouveaux endormis sommeillent sur la vague qui pleure.