samedi 1 août 2015

un irrésistible désir de vagues et de sable



La sibylle est roulée dans le sanglot de l’univers, comme une vague sur une plage vide, comme un rire de l’espace. Elle guette les lueurs du jour  dans les rides de l’eau, dans les plumages des oiseaux. Elle inscrit l’ardeur de sa chair sur les pétales et les feuilles des fleurs et elle danse dans le verdoyant jardin où valsent les fées.



Sybille est un visage de mille mémoires, portrait de Fayoum, d’ocre et de bleu, dans la tempérance des sépulcres enfouis. Un visage similaire à mille visages, des yeux si grands et qui s’incrustent en nous, et parlent d’hier et de demain, la mort n’est jamais fleurie, ni belle, elle est scarifiante et folle.




Plage déserte hier
Aujourd’hui essaim d’abeilles
Sous parasols colorés



Les parasols ne bougent plus
Les corps non plus sur les serviettes bariolées
Les coquillages sont vides

une vague suffit à engloutir
le château de sable
et nos vies sont ainsi

Les roches cultivent dans leur abrupte nudité les antiques litanies des Vierges qui gémissent. La chute du soleil dans la mer est Attente. Il est toujours possible de se dépouiller en un songe de pleine lune. J’abandonne la grotte aux ombrages parfumés. Je marche lentement dans le brouillard. Mais je ne verrai plus la Madeleine car elle demeure dans l’enchantement d’un verger lointain.
Il est une île étrange, où voguent des bateaux de papiers multicolores. Une statue moussue se reflète dans l’eau de la Cure. Sur les dalles noires et blanches d’un damier, une fillette sautille. Elle lance la pierre gravée de signes, la pousse de son pied léger, chante la complainte de la marelle. Là où tombera son galet, sera la terre de repos. Qui gagnera au Jeu mystérieux de la terre promise ?

lucioles et coquillages
dans les poches de la mer
comme un pantalon gonflé d’espérance


La mer est verticale : pyramide d’eau et de sel, de vagues enlacées qui lancent leurs spirales vers le ciel où planent les goélands. Le cri de la lande est un appel, les autels de pierre se brisent sous l’indifférence et l’oubli. L’antique voix des Druides jaillit sur la lande aux bruyères folles. C’est une ivresse, une extase comme un enfantement dans la fraîcheur vespérale. Solitude verte, bleue. Un grondement sourd transforme les coquillages et les algues en une fresque gothique.



Cri de la mouette blessée. Elle épelle les lettres qui forment le nom sacré. Derrière les portes closes de la mémoire, l’oratoire obscur où repose Vénus, sur le lit des roses de Chypre.

C’est un langage timide encore qui prend germe dans le sanctuaire aux mille cellules nues, vides, où rien ne bouge, vers un avenir de treilles et de rhizomes embrasés, quand s’allume la lampe des chimères.

C’est une noce, un rêve nuptial. J’irai encore vers toi, mer sauvage de mes lointaines jeunesses car tu portes en ton cœur le secret des destinées.  La Dame de l’eau s’est endormie. Dans le bois des chênes sacrés, tu dormiras encore longtemps, Viviane des grèves blondes, en terre de vergers et de brumes.

Je ne me pencherai plus vers le reflet des ondes car le miroir attire les monstres infernaux. Je briserai l’image dans l’obsidienne des saisons enfuies. Sept années de quête pour entendre la Parole du sable dans le coquillage. Mais j’ai perdu mes oreilles d’enfant.



J’entends le galop des chevaux rapides qui fend la nuit alors que flambe le château déserté. Velléda dans la tour du vent garde la mémoire d’une chair de verveine et de citron,  cache son visage sous le voile vert des terres pluvieuses. La mer est immense, aux obélisques de rose, pour découvrir le cygne d’immobile blancheur qui délivrera la route de l’étoile blanche, car la lumière porte l’ombre comme la mère porte son enfant.


Là où la falaise fend sa chair de granit, les eaux sont rapides, furtives. Les Fées dorment, oubliées comme les Dieux, dans les grottes du dernier sommeil. Lorsque viendra la Dame en robe noire, je rassemblerai mes forces pour garder mon âme. Je gravirai l’échelle d’argent en serrant entre mes mains froides le cœur de ma vie, et dans le verger de la dernière fête, voici qu’il s’ouvrira comme une boîte à secrets, emplie de trésors chaleureux.
Dans la chapelle façonnée par les prières des marins, ennoblie par les ex-voto, se blottit l’hirondelle des sables. C’est elle qui tournoie autour des tombes nouvellement creusées. Des lucioles transpercent la nuit ténébreuse. Opalescente ascension.