vendredi 31 janvier 2014

la nouvelle Aurélia (extrait) : "Que restera t'il de nous ?



 La mer et le ciel se courbent, s’'étreignent en une fulgurante ascension. Tout se tait maintenant, le corps mouvant de l'homme suit les ondulations de la vague ; ils étaient venus là, loin des visages amers du passé, loin des esquisses de la ville, pour enterrer les cris dans le sable froid. Poids, sans limite et sans faille, à porter en un dédale illimité et poids qui nous porte aussi, cette pesanteur qui nous accroche à la fermeté de l’argile ; pendus à l'envers de nous même. Noir et blanc sur la surface des eaux. La mer est miroir qui conduit à l'incandescence de la chair. L'obscurité enfante la lumière. 


                     
Tout enfant naissant est une clarté. L’humain, pourtant, demeure nu dans la nuit noire ; nu et vertical face aux opacités de la vie. Eclatantes nervures de sel et de vent. Les dunes sombres s'étirent longuement sur le paysage lointain des cieux encrés. Des roses noires déploient leurs pétales en intermittence de poids et de légèreté. Noir et blanc, jeu de masques. Tu pénètres le secret de la terre, le perd, le retrouve, toute attente devient poids de lumière dans le silence de la nuit. Comme il est difficile de creuser et de creuser sans fin jusqu'au seuil de son propre abîme, d'autres obscurités à venir, d'autres lumières à contempler. D'autres vents aux embruns salés, d'algues brunes et de chants marins. Devant l'éternité qui nous attend tous, on ne peut que se taire. Il ne restera de nous qu'une photographie jaunie, cornée aux coins, un peu grise aussi mais vaillante et gardant en elle l'empreinte de toute une histoire. « Que restera-t-il de nous ? » écrivait François.

Véronique Guerrin


Fantasma (apparitions)





Le genre Féminin ; Ex-Voto



la Nouvelle Aurélia (extrait)



C’est un temps de repos, de vacances au bord de mer. Des formes ou des corps qui sautillent et se fondent dans les vagues. Des bateaux au loin, des pêcheurs crient dans le port, des odeurs fortes de poissons frais. Un peu de vent.
 Agités par de fugitives images d'ombres, d’immeubles, de verdures et d’endroits désertés, pour immobiliser l'instant où se lèvera la secrète lueur du temps à saisir, le chercheur des images aime  les lieux d’errance, de voyages, là où l’obscurité incessante des flots est sans cesse jaillissante ; il se  penche également sur les vestiges pétrifiés des guerres, les lignes sombres imprégnées de sang, les ruines comme des orages… Sur le moment de l’assoupissement des pierres, sur les alcôves de repos dans les demeures marines, et laisse courir son regard sur les plages constellées d’enfants.
Quelques balustrades entourent les jardins suspendus, d’Ionique villégiature, aux escaliers qui tournent, descendent vers la mer et  les criques privées. Sur les toits brisés, s’envolent les oiseaux : larges ailes, et plumes blanches.
Les images se posent lentement, environnées d’arômes de citronniers, d’amandiers en fleurs, de parasols et de palmiers. Éclairées d’un scintillement mauresque d’or et de soleil, sous ce ciel oriental, là où la côte, mouvante, légère, à la mer mystérieuse, accueille les visiteurs attentifs, les touristes qui déambulent, les jeunes femmes qui bronzent, les corps offerts aux envolées d’invraisemblables villégiatures. 



En ces villes de vacances, de tapis rouges et d’éloquences comme autant de méditations ou d’images inattendues : songes inexplorés des nageurs endormis sur le sable, mouvements des mains qui construisent le château de sable : lucioles radieuses, destinées végétales, papillons d’écume, fugitifs. Rupture dans un enchainement.
       
La tentation est grande d’offrir des images de mousses verdoyantes, d’éclats de lunes, de floraisons d’aurore sur ces côtes d’enfance et de songes, de notre enfance intermittente qui va de rive en rive et explore l’inopiné. Il arrive que rien ne puisse être gravé sur papier ou pellicule, c’est la mémoire qui est détentrice de l’évènement, du moment vécu, existe t’il ainsi une distance favorable entre le vécu et ce dont on se souvient ? Temps suspendu. Instant arrêté.