vendredi 31 décembre 2010

La chapelle de Vezelay, détails de clarté













En bas de l'escalier qui monte et tourne vers l'entrée de la chapelle orthodoxe de Vezelay, un lieu de passage, qui s'ouvre vers le jardinet ; une porte de bois, une vitre, une autre ouverture vitrée aussi, située plus haut, et quelques plantes.
La lumière extérieure se développe en plénitude sur les ombres intenses de cet endroit préliminaire à d'autres rencontres.

Anne Everett Headley, peintre - Vezelay
































Anne est d'origine américaine, elle vit et travaille en France. J'aime beaucoup ses oeuvres emplies de poésie, de sensibilité et de tendresse. Les pigments, les or et argent, les natures mortes qu'elle compose, développent un univers simple, universel, qui parle au coeur. On se sent vrai, humain, terriblement humain face à son oeuvre : au coeur même de notre matière corporelle périssable et en lien intime avec notre individualité en transformation continuelle. Anne rend proche la vie quotidienne, l'embellit, l'intensifie, la rend intemporelle également ; elle pérennise ce qui, à chaque instant tend à disparaître, à être oublié. Les natures décrites dans ses peintures : poissons, citrons, fleurs, corps, etc. sont autant de présences vivantes au monde qui est le nôtre et qui accentuent la profondeur relationnelle que l'on noue avec les choses qui nous entourent.
Ces quelques photographies ne sont qu'un pâle reflet, je le regrette et j'espère ne pas trahir le travail d'Anne par ces médiocres images. J'ai donc ici mis en ligne quelques peintures, soit en détails, soit en plus grand panorama.

Depuis quelques années maintenant, Anne écrit des icônes. On peut admirer dans la chapelle orthodoxe de Vezelay quelques unes de ses icônes ; notamment les portes royales qui sont limpides, aériennes, précieuses à l'entendement. Depuis que ces portes sont peintes, cet espace de séparation/ouverture entre "monde profane et monde sacré" rayonne d'une lumière signifiant la transcendance.



- Photographies de détails des peintures et quelques peintures en "plus grand format " extraites de la "petite maison " à Vezelay.






jeudi 30 décembre 2010

Noël à Vezelay






























C'était Noël à Vezelay, la Bourgogne sous la neige, enveloppée de gel et de givre, dans le silence d'une forêt blanche, les oiseaux : mésanges et rouges-gorges se cachent, l'écureuil n'est pas encore revenu. Nous les reverrons juste avant notre départ.

Sur la colline de la Madeleine, peu de visiteurs mais quelques irréductibles bravent le froid et le vent glacial, - 8 degrés derrière l'abbatiale, les doigts ne bougent plus, on marche vite, puis, le corps se revigore et se blottit devant la cheminée où brûlent les bûches.

Soeur Nathanaëlle n'est plus là, depuis longtemps maintenant, elle est là-bas, au loin, sur un autre mont, celui de Saint Michel , au gré des vents marins, au gré des flots sauvages.

La petite chapelle orthodoxe brille de ses bougies allumées à l'heure vespérale, Père Sthéphane prie, quelques fidèles devant les icônes, comme un appel à s'attarder encore et à ne pas quitter les hauts silences emplis d'oraisons de cette éternelle colline qui domine l'horizon des chemineurs de Saint Jacques.
La fête de la Noël : naissance du Christ a gardé son sens de joie, d'espérance et de clarté au coeur de l'hiver et des courtes journées vite obscurcies par le soleil si pressé de nous abandonner aux lumières artificielles des maisons décorées et engivrées.

Marie-Madeleine veille, solitaire parmi les solitaires, dans la crypte aux lumignons, le reliquaire d'or scintille.
Cette fois ci, non, je ne suis pas allée sur la tombe de Max Pol Fouchet ni me promemer dans le vieux cimetière. Voilà bientôt 30 ans que je viens ici... Comme passe le temps !

lundi 13 décembre 2010


Adresse de l'histoire écrite à plusieurs mains, " Histoire de Marie " 
à partir d'un album de photographies anciennes,


http://hist2marie.blogspot.com/

les contes de Marie, l'étoile de mer


Pour Brigitte et François,



Si haut, une fille de l'azur tournoie au pied du temple d'or. Si haut, là où veille l'aigle sur le sommet immaculé. Au pied d'une statue sacré,e une fillette blottie. Les étoiles s'éveillent. Eclairs de lumière si blanche, sur la surface des eaux, comme des bras de femme endormie, au creux d'un lit de terre remuée. Si haut, venue de si haut, d'où vient elle d'ailleurs ? Une étoile des mers tombée sur les grains qui s'éparpillent. Une étoile des neiges, mon coeur amoureux... Une étoile des sables, mon coeur douloureux... L'Algérie, et ses crispations ses stridences qui labourent la chair, le silence angoissant du désert, l'ennemi nous encercle, nous mourons de peur. On a retrouvé des camarades je ne peux pas le dire, je ne peux pas l'écrire, si vous saviez ! Mais nous aussi, nous avons fait la même chose ! La honte sur nos mains complices, rouges de sang et noire de haine...
La lune ploie vers les ombres et la dune s'élance vers le ciel. La mer et le ciel se courbent. S'étreignent en une fulgurance éparpillée. Tout se tait maintenant, le corps mouvant de l'homme suit les ondulations de lavague, ils étaient venus là, loin des visages amers du passé, loin des esquisses de la ville, pour enterrer les cris dans le sable froid. Poids, sans limite et sans faille, à porter en un dédale illimité et poids qui nous porte aussi, cette pesanteur qui nous accroche à la fermeté de l' argile ; pendus à l'envers de nous même. Noir et blanc sur la surface des eaux. La mer est miroir qui conduit à l'incandescence de la chair. L'obscurité enfante la lumière. Tout enfant naissant est une clarté. Mais l'homme demeure nu dans la nuit noire ; nu et vertical face aux opacités de la vie. Les voiles d'Isis lancent dans les ondulations marines des éclatantes nervures de sel et de vent. Les dunes sombres s'étirent longuement sur le paysage lointain des cieux encrés. Roses noires déployant leurs pétales en intermittence de poids et de légèreté. Noir et blanc, jeu de masques. Tu pénètres le secret de la terre, le perd, le retrouve, toute attente devient croix de lumière dans le silence de lanuit. Comme il est difficile de creuser et de creuser sans fin jusqu'au seuil de son propre abîme, d'autres obscurités à venir, d'autres lumières à contempler. D'autres vents aux embruns salés, d'algues brunes et de chants marins, devant l'éternité qui nous attend tous on ne peut que se taire. Il ne restera de nous qu'une photographie jaunie, cornée aux coins, un peu grise aussi mais vaillante et gardant en elle l'empreinte de toute une histoire. Véronique Guerrin
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La grotte aux lumière vertes

Un texte issu d'un imaginaire d'enfance retravaillé pour le récit " Histoire de Marie"

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Kostro vêtu de couleur sombre est assis sur un rocher dans une clairière au milieu de hautes montagnes enneigées. Et pourquoi pas ? Il peut y avoir une clairière, quelques arbres et un cercle empli de clarté au creux des montagnes. Il jette, un à un, des pétales d’une rose rouge dans l’eau d’un ruisseau qui court à ses pieds. Un ruisseau circulaire, oui, je conçois bien, cela semble étrange mais vraiment, je l’ai vu, le ruisselet tourne en rond, comme un train d’enfant. Kostro s’appuie contre une gigantesque pierre. Il se lève lorsque l’eau est devenue couleur de sang. Il s’avance vers la paroi et celle-ci s’ouvre. Un escalier grimpe dans une grotte assez vaste et scintillante de cristaux. Je ne peux m’empêcher de le suivre, discrètement même si je sais que je n’en ai pas le droit. C’est son histoire n’est-ce pas ? Eh ! Bien, je le suis, sans bruit, et je vois qu’il y a un étage. Kostro s’arrête là devant une porte en or où est gravé un œil entouré de rayons. Il prend son pendentif, celui que son grand père lui a offert avant de mourir, et qui représente un oeil Egyptien. Il le pose sur la sculpture et la porte d’or s’ouvre en grinçant. Dans cette salle, au milieu, un sarcophage ouvert. Couchée là, une momie ; sur son corps est posée la croix ansée. Dans cette grotte, la lumière est verte. Les murs sont gravés de hiéroglyphes. Le sol est jonché de pétales de rose rouge. Des lampions phosphorescents sont accrochés à la coupole. Le couvercle du sarcophage de marbre blanc est déposé verticalement contre l’une des parois. Sur ce côté droit de la salle, un serpent d’argent est peint, il s’enroule en spirale sur une fresque de corps humain. Au fond de la pièce, regardez ! Un tunnel ! Kostro s’engage et descend. Il marche longtemps, il fait de plus en froid. Du salpêtre humide coule sur les murs, du sable glisse sous ses pieds. On dirait que l’on entend le chant de la mer. Un petit enfant attend Kostro au pied de l’escalier taillé dans la roche. Il tient une torche allumée, le guide vers une chambre. Dans cet endroit il y a un lit de repos situé face à une table basse dont les pieds représentent des pattes de lion. Et partout des livres et des livres. Des livres rouges, des livres bleus, des livres de cuir, des parchemins, des papyrus. Kostro semble totalement ébloui. Dans un coin, un vieil homme courbé travaille. Il tient une plume d’oiseau dans la main et mélange des pigments et des poudres pour faire de l’encre. Il écrit des histoires du monde, des poèmes et des épopées. L’enfant s’assoit à ses pieds et chantonne. Le petit homme offre à Kostro un livre à la couverture verte.
À côté de la chambre, une pièce tendue de voiles sombres et au fond, un long rideau rouge qui s’ouvre par le milieu, dévoilant une niche comportant une table d’obsidienne. Dans une corbeille des fruits et des fleurs, un serpent sui glisse en sifflant. Un cercle agrémenté de sept boules d’or tourne sur un socle. Une clepsydre dont l’eau est couleur de cerise écrasée glougloute. Contre les tentures sombres, dans l’opacité du lieu, je découvre en même temps que Kostro des statues, sept statues aux yeux qui brillent, des émeraudes ! Chacune a une tête d’animal : ibis, lion, taureau, aigle, biche, chat, vache. Les statues s’animent, oh ! J’ai eu peur, je me suis cachée derrière la première tenture. Kostro ouvrait de grands yeux et je voyais ses lèvres qui disaient sa phrase préférée : « n’ai-je donc tant navigué que pour voir cela un jour ? » Les animaux de marbre sculpté avancent à pas lourds, qui résonnent et l’entourent en dansant, comme une ronde d’enfant. À pas pesants, le temps s’intensifie. Et ils disent « anouti anouti oum nefer toum ousirew a Ptah nefer idi aaa ! amouni ouda au a dai doaou doaou mou nou roudoui doui noa ba lamini amenti daouat Seth ba daouat ma ma naouat maat soum ounou mou nefer nefer » et ainsi de suite, une mélopée lancinante, et je m’endormais, je voyais Kostro qui s’endormait debout… Et les livres volaient autour de nous, disparaissaient, devenaient poussières, les lettres devenaient oiseaux aux plumes obscures. Les statues se brisaient, éclataient en millions de particules, des étoiles vrillaient l’espace, tant de comètes qui se pulvérisaient en cet espace réduit, des vibrations secouaient le sol, Kostro ne bougeait plus. Ses yeux seulement étaient ouverts et irradiaient d’un éclat vert tandis que la momie arrivait vers lui… Tout à coup ils entraient l’un en l’autre, comme aspirés, transformés. La momie se tournait vers moi et disait : « n’ai-je donc tant navigué que pour voir cela un jour ? » Alors je prenais peur et je m’enfuyais, je courrais dans l’escalier et je me retrouvais devant le rocher. Kostro fumait sa pipe et lisait un livre à la couverture verte où se trouvait le dessin du serpent spiralé., il rit et me dit : « anouti anouti oum nefer… »


Photographie tirée de l'album de photographie Brigitte Chaix "Histoire de Marie "

la nouvelle Aurélia

un très ancien texte que j'ai retravaillé pour le récit " Histoire de Marie " 

Le cantique du joueur de flûte.

Aurélie, vierge de brune, au-delà de la mort, au-delà de toute prison, je veille sur toi. N’aie pas peur des silhouettes nocturnes qui tournent autour de ton lit, car nous sommes marche nuptiale : infinie variété de fleurs étranges sur l’herbe… 
Un jour, vers l’île oubliée, nous irons. Tu es mon étincelle animée, perdue au cœur des mascarades, ma divine humiliée par les impostures ; ne te ferme pas au frémissement de la vie. 
Tu imagines, tu étouffes et tu cries, sans cesse : on cherche à tuer en toi ce souffle précieux de l’étonnement. Ne te laisse pas endormir ! Ne te laisse pas enfermer ! Tu es diamant au front des fées, mélodie à la bouche de mon espoir, aime Aurélia, fragment d’eau et de fleurs en une alcôve parfumée. 

La peur te saisit. Tu trembles et tu t’agites. Tu pleures, tu griffes les murs de ta chambre, tu casses tes crayons, les couleurs s’épuisent à s’écraser chaque jour sur le sol muet. 
Tu dis que tu es sur le pas-de-porte de ta propre folie, devant ce porche qui emmène vers l’infini des fantômes errants. Tu te faufiles très haut dans un grenier imaginaire où le feu ne peut t’atteindre. Tu dis que si tu te transformes en fleur dans le jardin, les soldats ne te verront pas. Tu dis que les œufs éclatés derrière la planche de bois, dans la cave si propre, ne pourront jamais éclore, et que si la puanteur envahit la maison, ce sera ce qu’il y a de plus gai. 

Tu es, Aurélie, sable mouvant en un soir brumeux, tu te nourris d’angoisses, tu t’agites et tu t’enfuis. L’insipide entoure tes rêves. Tu es, Aurélie, longue plage torturée en un glacial hiver. 
S’il manque un immense lit de feux et de fantaisies pour illuminer tes patiences prolongées, allonge ton corps sur les galets broyés par les vagues. L’enchanteur viendra, embrasant ta mort lente de courses folles dans les landes, de musiques légères de flûtes et de roseaux, le dieu Pan n’est pas mort. 
S’il manque un songe de corail et de merveilles pour ouvrir tes lèvres humides, pénètre dans le pays des enfants blancs et des chevaux sauvages, entre au plus profond de la profondeur du sommeil, marche à contre- sort, à contre-courant. 
S’en viennent princes inconnus des pays reculés, éternels rois- mages nomades, géants disparus, monstres antiques. l’anneau retrouvé dans la main d’un elfe, c’est celui-là que je te donnerai ! 
Aurélie, ma douce, ta destinée est de ciselure diamantée en un écrin de chaste secret ! Ouvre tes genoux ! Ouvre tes doigts ! Aime ! 
Aime ! L’angélus se dentelle d’étoffes somptueuses. Le matin resplendit de velours d’or et de bises tendres.L’œil du monde s’irise de nacre, le nénuphar danse sur le ruban frivole de l’onde, la terre s’empèlerine de blanches, d’aériennes soieries. 
Dénoue tes cheveux dans la fontaine sacrée car ton visage miroite l’Unique. Le fruit de tes yeux est une longue pluie. Aime ! Oublie ! Vis ! ne pleure plus, ne parle plus. 
La source joue la pourpre et la paille au soleil couchant lorsque les étoiles se cachent au coeur des roses fermées. Tes jambes abandonnées en un calice : pain savoureux, miel sucré. 
Aime Aurélia ! le taffetas de tes vêtements se froisse, la barque d’Isis clapote sur la berge. L’herbe se greffe d’ombres tentaculaires. Sur le front de l’aube, un voile sombre. Les bras de marbre de la statue brisée se tendent enfin vers la crispation de l’errance, deviennent poussières. 
Sous l’aile verte des treilles, tu creuses le chaos des souvenirs plombés, en ton cercueil de morte oubliée. 

C’est un rythme ardent, sur l’oblique des cieux. Non, Aurélie, tu n’es pas partie dans le pays des ombres, tu es là, et tu vibres : passagère de mon ivresse.
Née au sein d’une terre asphyxiée, tu cherchais le rire et la joie, mon elfine sacrifiée sur la terre des hommes. La terre des servitudes. Née si loin de la haute mer du monde intérieur, tu cherches en vain ton arc d’argent et tu chantes au loin des bruyères, tu chantes la complainte du grand ange blanc. 

Au souvenir de jadis. Tu es blessée, le sang qui sourd de ta plaie, en rides rougeoyantes, se mêle à mon sang et à mes larmes, tu me quittes déjà… Tu me quittes encore. « La plaie se cicatrise un jour en élevant l’âme » disais-tu . J’en doute encore. 

Mais alors, une nuit, bientôt, lorsqu’un murmure mystérieux animera la pièce solitaire qui donne vers la forêt, je te verrai à nouveau. 
Aurélia, ma terre d’attente, mon Ophélienne rompue sur les pierres du néant, mon innocente au cœur du temps, mon offrande aux dieux morts, mon vertige éternel… Toi, mon aube incertaine, ma féconde palpitation, je te donnerai le voile blanc, celui qui inaugure le jour du dernier voyage, le jour de la lunaire nuit. 

Le vent s’est levé maintenant. Ton foulard délaissé, tes bras tombés en œillets fanés, périlleuse, frêle, douloureuse. Ma fleur de natale ivresse dans l’air palpitant, graminée fragile poussée sur la colline des herbes bleues, tes lèvres cyanes, dans la nuit de cette attente, ma reine de Saba, je franchirai les portes de la mort. 
Là où l’antique déesse posait ses pieds nus, moi aussi je marcherai, je suivrai tes traces ; et j’irai là-bas, en cet autre ailleurs lointain. Au bord de la fontaine, allongée sur le marbre de ton sépulcre, tu sommeilles encore, les franges du feuillage forment une tonnelle, 
Viens à moi ma vivante, mon Eurydice, le signe de mon allégresse, graffitis de mon âme. Ma vibrante épousée, mon abeille au sillage des pollens dispersés. 
Pousses sauvages, roseaux torturés entourent le lieu de l’ardeur des reins extasiés. Viens vers moi, ma belle enfant des brouillards du nord, que je puisse enfin dénouer tes membres qui s’accrochent au cheval de la nuit, que je puisse enlever ces liens de pénombre, de ténèbre et de glace qui t’encerclent, te retiennent au pays de l’agonie. 

Il est un lieu où je t’emmènerai, une île blanche et verte où les mouettes et les goélands glissent lentement sur les ailes du vent salé. Pourquoi pleurer l’ami disparu au seuil du rêve ? Nous avons vécu ensemble il y a si longtemps ! À l’ombre des songes et des mensonges. Nous avons couru dans les prairies et sur les collines. Nous avons parcouru indéfiniment les rivages aux reflets cuivrés lorsque la fée de l’horizon brodait les étoiles sur la robe nocturne. L’univers coule en notre sang, la vie est une ronde, une marche nuptiale, une saison de transparence, une ceinture de lumière. 

le tombeau de la princesse. Hué. Vietnam. Photographie: Remi Guerrin

samedi 27 novembre 2010

CHRU La nuit

Une autre nuit.
Chambre 13, elle est jeune, jolie, quelques cheveux repoussent sur son petit crâne. 20 ans, le bel âge dit on. Un abcès au doigt, des bilans, des soins, un interne qui se trompe de fiche de bilans, une nouvelle attente, et le résultat arrive : leucémie, immuno- dépression. L'inattendu. S'enchaînent des semaines d'hôpital, avec une aplasie, un syndrome de lyse et un long séjour en réanimation... La peur et le courage se mêlent dans son regard ; punaisé sur le mur, à côté de la fenêtre, un Maitre Yoda qui lui donne "la force" de combattre. 
Chambre 16. La dame se plaint, gémit, elle en a plus qu'assez d'être piquée, repiquée. La fièvre monte, vessie de glace, et la colère grimpe aussi. 
la patiente : "Laissez moi tranquille ,j'en ai raz le bol de vos aiguilles"
L'infirmière: " Vous êtes venue pour être soignée alors laissez vous faire, sinon,vous signez une décharge et vous rentrez chez vous... "
L'aide-soignant: " tout dépend de ce que l'on met derrière le mot soigner : dorloter, consoler, panser, caresser, masser ou alors piquer, torturer, persécuter...
L'infirmière: oui mais là tu exagères, madame, moi non plus ça ne me plaît pas, mais tout ça c'est pour votre bien." 
Chambre 12 : Une petite dame fluette et démente : " Au secours ! Je suis revenue de la fête de la musique et on m'a assommée et on m'a enfermée ici, au secours ! je veux m'en aller !"
Chambre 3: la jeune femme a le crâne nu, son foulard tombé sur le drap, épuisée par les chimios, le regard perdu... Elle veut le bassin, n'arrive pas à se soulever.
Chambre 9 : un vieil homme antisémite qui a étudié la médecine avec un savant juif pendant la seconde guerre mondiale. Il lui apportait de la nourriture, du canard en échange de son savoir que cet homme lui dispensait dans des caves ou des greniers, il était son seul élève car tous les autres avaient peur !  mais il ne l'estimait pas car c'était un ... Je lui dis qu'il est antisémite, il me répond que "non, pas du tout et puis aussi c'est normal, ils ont des "g. de J. qui se reconnaissent de loin !" Quant'à moi, je lui dis que ses propos sont horrifiants et que cela m'étonne de la part d'un scientifique réputé intelligent. Et que de toute façon... Il rit et voici sa réponse : " jeune fille! Vous ne savez pas ce que vous dîtes ! J'ai étudié et j'ai raison" 
Hypnovel branché, elle est trop âgée, trop souffrante, personne ne vient la voir jamais, elle est démente en "phase terminale " ! Un cas "perdu", il ne reste plus rien à faire qu'à attendre que son coeur s'arrête de battre. Ou appeler l'interne pour qu'elle l'aide à "partir sans trop souffrir", cette nuit, je suis avec une  soignante demandeuse, et "passionnée par les soins Palliatifs ; elle a du mal à vivre les images que véhicule  la mort dans son âme, elle a du mal à survivre à chaque mort,  alors, elle s'énerve ou elle crie, parfois tellement agitée que j'ai envie de lui mettre une camisole de force o ude verser du bromure dans son café !   J'ai appris la mort d'un gentil petit papi dont l'épouse au comble de l'angoisse pressait le personnel de questions et qui priait le soir pour que son mari revienne à la maison faire son petit tour de jardin avec sa cane comme avant. Personne ne lui disait rien de la vérité, de la réalité qui l'attendait... Sois disant qu'elle n'était "pas capable" d'entendre ! Il est rentré chez lui, est décédé quelques jours plus tard. Certains soignants imaginent que ce n'est pas grave, "comme c'est bien d'avoir une personne âgée en moins", moins de toilettes le matin, moins de changes". Et pourtant il y en a certains  qui ne se gênent pas du tout avec les changes, les bassins, les lits souillés ou les patients mal installés, ce sera l'affaire de l'équipe suivante ! C'est tellement mieux de jouer à l'ordinateur, de pianoter sur son portable. Il est terriblement difficile de vouloir et pouvoir  travailler quand on se trouve être confronté à des habitudes et à des stéréotypes, à une force d'inertie épuisante, "tu ne vas pas répondre à la sonnette, ce malade est capricieux, le 18 est trop pénible, tu ne changes pas la personne, tu laisses sonner, non, tu ne portes pas d'eau, rien du tout, tu restes assise, tu n'y vas pas"...  Ah! Misère, le chagrin et la souffrance des pauvres souffrants et de ceux qui les accompagnent. Ah ! Misère le poids à porter de sa conscience quand on a le sentiment d'avoir été si seul, certaines nuits, dans la lutte pour le bien-être et la paix des patients. Ceux ou celles qui s'énervent, crient, claquent les portes, se mettent en colère, agressent personnel ou patients, sont des poisons qui nous détruisent lentement. Comment supporter ? On vient avec les jambes en coton, on voit et on se tait, on essaie de faire autrement, on console, on protège, on aimerait hurler cette angoisse face à certains agissements inacceptables. Il paraît que c'est partout pareil, qu'il faut faire avec tout un chacun, que cela n'est pas grave ,qu'il ne faut pas projeter, que personne n'est parfait, etc... Comment dire ? Les larmes et le chagrin quand on n'en peux plus de lutter et de s'opposer. Comment ne pas craquer ? Ne pas se blesser ? Comment ne pas en arriver à avoir la "haine au coeur" et la "peur au ventre" ?

lundi 22 novembre 2010

l'automne





















C'est l'automne, aux couleurs si chaudes, éclats de soleil dans les branchages nus, quelques feuilles qui volent, s'envolent. Flaques d'eau de pluie, quelques rires de l'été qui jonchent le sol mouillé. Les herbes hautes se fanent, dans le bassin, le reflet du ciel est gris, les nuages s'échappent comme des fumées, sur les vitres de la maison, de la buée, brouillard du matin.
En passant dans le cimetière, j'ai rencontré une toile d'araignée. Par le vitrail brisé j'ai entrevu un paysage funêbre de pierres, de lettres enlacées et de silence.