samedi 25 avril 2015

dans le creux du coquillage

Les pivoines illuminent l'espace de blanc et de rose les herbes dansent dans la clarté de l'après-midi les nuages s'étirent il pleuvine ce matin il faisait trop froid dans le jardin ma soeur part en bord de mer il y a des années de cela elle avait quatorze ans à Quend Plage les Pins je venais d'avoir mon permis de conduire nous étions restées trop longtemps sur la plage j'étais brûlée 
Le feu qui nous incendie n'est pas celui du soleil la peau s'inflamme excroissance de coquillages rosés arracher les coquillages jeter les coquillages
Dans le coquillage on peut écouter le chant de la vague Jaroussky chante les violons de Vivaldi scandent mon sommeil le chat court après les bouts de papier et saute et joue l'archet se lance en apothéose la voix du ténor éclaircit mes pensées mon dos craque tout craque les ciselures du passé les avidités du monde le morcellement du temps
Le craquement dans les vieilles maisons grincer des dents marcher dans la boue ce serait une olympiade encore plus haut plus loin traverser le mont des oliviers par son passage secret extraire le crâne d'Adam  l'enterrer dans un cimetière le vieux crâne de cet ancêtre grince sous le pied de la croix dressée Judas ne s'est pas pendu pourquoi parler de ce que l'on n'a pas vu des pièces d'or romaines portent le signe du sang je cherche le talisman gravé sur une pierre bleue c'est un dédale
J'irai au travers des méandres du labyrinthe un poignard à la main du sang tombe de la lame ce n'est pas moi qui ai marché sur le chaton naissant ce n'est pas moi qui ai noyé les chatons je n'ai pas enfermé les bêtes dans le seau empli d'eau je n'ai pas abandonné les chatons dans le champ loin de la maison
Loin de la maison il y a des champs et un lycée des tracteurs passent sur la route je les vois massés l'un contre l'autre ils nous regardent des yeux nous suivent ce dieu  qui nous observe viendrait d'un invincible ciel le ciel est si bas qu'il est impossible d'y vivre je n'y vois ni château ni donjon le prince d'Avignon est mort le cancer est signe d'astre brillant la dame blanche attend devant la grille  du cimetière
A Vorges le cimetière s'allongeait parmi les ombres du soir tombant nous marchions dans la forêt nous n'avions aucune crainte nous chantions les années et les or des malles entrouvertes le livre déposé près de la cheminée les statues qui se meuvent au coeur de la nuit
J'ai perdu ma poupée elle était inscrite quelque part dans mon ventre mais je ne sais pas ce que je fais je ne me souviens pas de ce que j'avais fais la poupée s'est enfuie vers le ciel dans le ciel aller au ciel ce serait mourir ou s'endormir la poupée sommeille moi aussi je dors le rideau rouge flotte légèrement

vendredi 24 avril 2015

le porteur de lunes

Je suis sortie dans la rue  c'était l'hiver tout était gelé le sol si blanc les voitures recouvertes de givre les arbres raides et ce paysage glacé me stupéfiait je croyais que le printemps était arrivé
La petite fille a quatre ans c'est sa première année d'école elle est aveugle et muette elle marche dans la rue elle va à l'école maternelle dans la cour de l'école les autres enfants se moquent d'elle et la frappent en tournant c'est une ronde lancinante elle ne bouge pas ne répond pas ne comprend c'est là le plus terrible je pense de ne pas savoir pourquoi les autres enfants se comportent ainsi la voleuse de livres s'est battue mais la petite aveugle ne se bat pas 
Les énergies sont bloquées au niveau du cerveau raconte la magnétiseuse à quoi pensait donc votre mère lorsqu'elle était enceinte le porteur de rêves est né dans un autre pays c'était la guerre une autre guerre toutes les guerres sont autres les autres nous font peur parfois ils nous aiment aussi ou nous mentent les enfants cachés dans le grenier s'avancent vers la jeune femme en robe noire 
Il y aurait une belle lune et beaucoup d'étoiles mais jamais ce ne serait la nuit seulement un moment précieux impressionnant également peut-être un instant refuge ou une grotte se blottir dans la chaleur de la grotte ne plus bouger tout est silence le silence peut devenir terrible pense Liesel
Max avait remplacé son frère le coeur est libre si l'enfant mort revient pour vous dire quelques mots il faudra l'écouter c'est lui qui sait la vérité i lest mort dans la neige c'était l'hiver un autre hiver et moi je ne connais pas cette longue route enneigée
Le bras de la petite fille est attachée dans son dos le temps est long ça fait mal aussi il ne faut rien dire dans l'autre école alors en plus il faut toujours ne rien dire et obéir la fillette articule telle un robot  avec la plume sur le cahier à lignes les mots et les signes quand elle écrivait avec sa main gauche tout s'effaçait des mots qui se brouillent lentement au fur et à mesure de l'écriture c'est beau comme des tâches des oiseaux s'envolent vont et viennent reviennent mais on n'a pas le droit de faire des taches c'est sale quel travail dégoûtant et cette main pleine d'encre bleue il faut se servir de la belle main a dit la maitresse et on sait bien que la maitresse d'école a toujours raison
On ne peut pas faire de tâche sur le tablier bien propre ni sur la nappe de la table ni sur sa robe du dimanche non plus sur les souliers cirés
Les tâches te désignent du doigt te jugent te bouleversent t'accusent le porteur de lunes déploie un éventail estampillé de figures magiques
Il y avait la pleine lune qui faisait une tâche dans le ciel mais personne ne lui disait jamais rien les étoiles font des taches de lumière les lucioles des tâches de clarté les tâches pourraient être un étal de pureté de la beauté des tâches de couleurs comme les fleurs dans le jardin des tâches de blanc et d'ocre comme les oeufs dans le poulailler
Les poules cherchent la lune en picorant les cailloux le chat s'aplatit sur la terre il surveille le chien de la voisine aboie les enfants passent par le trou du chat dans le grillage qu'ils ont écarté c'est amusant de les voir se faufiler à la queue leu leu
Max est parti dans la nuit avec sa valise  son livre empli de dessins et de textes est resté dans la maison il n'est pas mort à Dachau il est revenu Daniel ne reviendra pas la poussière des ruines s'efface comme l'encre sur la page blanche il ne restera bientôt plus rien à force de gommer la mémoire s'évapore c'est une marmite emplie d'eau qui chauffe depuis trop longtemps