lundi 27 mai 2013

la fenêtre aux rosiers



La clarté joue sur les ailes de la tourterelle, elle hésite et se tend, en une tendre et légère psalmodie ; un roucoulement quotidien maintenant qui me rejoint ici, dans la chambre. Le printemps se voile d'incertitudes. Le soleil perce à peine le babillement des rosiers en boutons. Dans le nid trois petits oeufs blancs.
Les images noires et blanches dansent, se déploient autour de moi. Gerda fluide dans sa robe de morte. La photographie d'enfant accroché à une grille flotte face à mes yeux. Des arabesques végétales, des arabesques balbutiantes pour que s'accomplisse le clic et déclic. Mais Gerda n'est plus là, elle était si diaphane et totalement présente, totalement engagée, prête à traverser le monde pour retrouver la paix, prête à affronter la sorcière glaciale, offerte à  l' hiver de la mort. elle ne cherche plus son appareil photographique. Elle repose là les ombres se nouent aux arbres centenaires, seule et tellement entourée de noms et d'épitaphes.
j'ai marché parmi les fantômes, j'ai écouté ce profond silence et j'ai cherché à capturer, à fixer l'instant où enfin je l'ai vue.
Tout est métamorphose. le vertige lorsque l'on se trouve sur une hauteur et la peur de tomber n'empêche pas de chuter. On peut chuter de toute sa hauteur, on ne s'y attend pas mais quand ça arrive, c'est d'abord le corps qui le ressent. La douleur est un feu qui traverse la colonne vertébrale, brûle la chair et emprisonne. Après cela, on pourra se dire de faire attention, il aurait fallu être prudent. " C'est une bonne leçon pour tous ! " On pense toujours beaucoup de choses après un accident. Ou les autres pensent pour nous.
Comme des mots oubliés, la nuit était longue, trouée d'étoiles et de rêves d'étoiles. Une lune ronde comme un plat d'argent ; un argent qui tourne lentement tout en haut du ciel etvire, virevolte. 
Oui, mais si la lune tombait ? Une fenêtre ancienne, une fenêtre d'hier, un vêtement accroché, dentelles grises, et des rideaux qui tremblent juste un peu, temps qui sommeille, une image qui se tend vers moi,  au travers de l'espace temps, qui me rejoint là où je ne suis déjà plus, là où j'étais, là où j'aimerai retourner.
Par le trou de l'arbre creux, je regarde le jardin. C'est un étrange condensé des fleurs et des végétations. Un circulaire tour de cet horizon rétréci qui me renvoie à moi même.
 Mais faut il se retourner ? Les photographies sont mémoire et souvenir ; c'était un jour de grand soleil, ce jour là, nous étions tombés en panne de voiture, cet été là, en Ardèche, Lala s'était perdue au creux des rochers, le chat vagabondait sur la terrasse, la maison était toute en ombres et cristaux, le temps se cristallise, pétale de violette sucrée déposée dans la coupe de champagne. 
Plutôt comme au cinéma, avancer, avancer, prendre la vie par la" lancée en avant", ne pas s'attarder. Arrêtés, déportés, morts. Sans retour. Sans billet de retour. Le coup frappe. On ne réagit pas de suite, on ne s'y attend pas. Retour inconnu. Personne à la maison. La fenêtre se tend vers l'absolu. Incertitude du moment, une mouche s'envole et je la regarde. Faudrait il s'indigner, peut-être  mais de quoi ?