dimanche 26 avril 2015

Mémoire éternelle

Les trains affluaient en terre polonaise les vents se lèvent encore sur des champs ensanglantés comment pouvoir prier quand dieu se meurt dans les ghettos les hommes ne disent rien la croix gammée flotte aux fenêtres des maisons
Les femmes s'avancent et pleurent les enfants sont entassés dans les wagons sales grouillants de vermine le temps et le ciel se couvrent de plomb  grisaille emplie de larmes  les fusils se dressent au creux des forêts d'autres corps se dressent contre la barbarie
J'y pense sans fin et je reviens vers ce violon qui pleure qui crie derrière les barbelés les enfants supplient le sang crucifie l'espace et nous nous taisons les maisons s'écroulent le feu tonne des éclairs déchirent le visage du monde 
Ce bébé écrasé cet homme jeté du haut de son balcon ce couple fusillé la fontaine aux yeux souillés d'obscénités la femme aux lèvres fardées aux doigts longs les ongles rouges elle a du sang sur les ongles la dame ne pleure  pas elle devrait avoir mal ce sang figé sur les doigts l'oiseau a été tué
Elle danse pour les nazis ils exhibent leurs bottes bien cirées impeccables uniformes sans tâches la femme languissante tangue vagues au creux de sa chair et vodka encore et encore
Mémoire éternelle pour les victimes et les oubliés chaque jour pleurer pour ceux qui n'ont pas su aimer qui marche dans le silence traverse son ombre la douleur des fleurs arrachées dans le jardin du bonheur un visage brisé dans le miroir du nazisme les chansons yiddish labourent mes coeurs je crois que j'ai mille coeurs en moi et mille lèvres qui prient dans l'obscurité des cachots et derrière les grilles des prisons dieu se tait quand l'homme abandonne sa main à la cruauté la caresse devient criminelle
Le silence puant des chairs brûlées ces fumées asphyxiantes dieu se tait quand les hommes arrachent les dents d'or entassent les corps dans des charniers infinis la terre devenue cimetière cendres et ombres qui marche dans l'ombre découvre son silence son propre silence et le silence peut être terrible
La plaine s'étirait aux beaux nuages de l'été tu pars et tu ne reviens pas  les belles jambes de  la jeune fille blonde  tournoyaient dans le fleuve les avions bombardaient scandaient une noce funèbre la fille chantait son chant s'est arrêté tout à coup impossible de ne pas savoir
Cette mère était si blonde elle portait l'enfant contre sa poitrine  marchait dans la campagne ses larmes créaient un chemin de petit Poucet sur le mur du lendemain des canons vociféraient n'oubliez pas la mort les mains tendues les mains vides celui qui souffre de la faim n'oublie pas la mère porte l'enfant affamé sa poitrine est sèche aucun oiseau ne venait picorer la larme incrustée sur la route poussiéreuse
On retrouva cette belle fille blonde tendre et douce sa chair n'était que confiance le matin venu elle est morte elle avait peur de l'absence pourquoi maudire les assassins  tout est si sombre alors mémoire éternelle pour les sacrifiés du silence qui tue
les trains glissent et tracent un sillon où rien ne pourra vivre je crois que j'ai mille corps en moi ces corps de cris et de douleurs la mère qui a perdu son enfant l'homme qui est si seul le musicien qui accompagne la dernière douche le train joyeux traverse la plaine 
Le rire est avide de sortir de l'ombre l'homme renaît de ses cendres les cendres s'envolent vole bel oiseau bleu le jour s'inscrit en signe du bateleur le jeu sans effort et l'ennui s'étire tire la langue au chat pas de réponse à la devinette 
Les blanches pivoines  illuminent le mur de la maison c'était hier c'est maintenant mère donne moi la paix flotte sous la pluie la neige des pétales des pommiers et des poiriers le printemps est si beau elle a besoin depuis son enfance de retrouver le jardin des enfances la chambre s'enfonce dans un vortex de transparences elle porte en elle mille coeurs brisés sur les balles des canons
Je te promets je n'aurai plus jamais peur du marchand de tapis ni du diable le diable n'existe que dans l'imagination des grandes personnes méchantes je n'aurai plus jamais peur des araignées noires ni des couteaux il n'y aura plus de sang les camps ont été libérés mémoire éternelle ils gardent en eux mille images les dernières images de fleurs et de nuages d'oiseaux envolés au bleu de l'été