Ce qui repose dans le silence
C’était là-bas, en
cette oasis de souvenirs, là où s’agitaient les poissons dorés
Elle marche ainsi sous
le poids d’un corps
De deux corps De
centaines de corps, de centaines de trahisons
Mais de temps en temps,
à plus d’un jour de flammes,
Reprendre la marche
sur le chemin des noueuses poussières,
Déchirer ses racines
sur chaque barbelé traversé
La corde se balance au
gré du vent Au fil des rythmes nocturnes
Il serait bon, il
serait doux, cette urgence de vivre
Un état de siège, une
fuite inachevée
Juste des lambeaux de
tapisserie décollés d’un mur,
Les clandestins
fouettés de passage en passage
Verts de gris
D’aveugle Eleison au fouillis des escales,
Echos dans le puits
des vents, berceuses fatiguées, cris sous les tentes évacuées
Des mouvements
désenchantés de gris profils errants
les clandestins fuient
sur les autoroutes, dans les dunes, sur les plages,
La sorcière balaie les
éclats de bois, les mots sucrés, les restes de gâteaux
Eclats de voix, débris
de rêves, voyageurs anonymes
Sur la vague nuageuse tournent
les mouettes
plumes lunaires, éclatement
du soleil qui module sa vibration chaude
morceaux éparpillés
dans le souffle d’un cri, ils se noient,
Des mains se tendent Des
doigts se ploient
Prière sur l’océan des
larmes, être vivant pour encore si peu de temps,
Ils s’avancent ainsi
vers la forêt des ombres
Tout autant de fantômes
sans repos, la part nocturne s’enroule,
Pour le moment les
années perdues perdurent
Déchirent ce qui
déborde en l’instant de la mort
Les camions
ralentissent, les bateaux de funestes augures
Se fendent,
déchiffrent la peur, voile chaque sourire,
Paralysie de vie, plumes
ou vagues lisses, vagabondent ou ruminent
Sur ces plages
incantatoires
Figurer ce qui se
plie, se déplie
Ecrire Fuir Changer de
terre Tentative de résurrection
Sortie du tombeau
Linceul déroulé Bandelettes jetées aux quatre vents
Abeilles et
coquillages pour tempêtes et sables
Retrouvaille avec
l’éternité, papiers déchirés de ceux qui
n’ont plus d’identité
Mon ombre est esprit, peut-être
statue morte
J’ai croisé le regard
de la gorgone Effigie grise au fond de la mer
La boite est inlassable,
emplie de lettres, de pays en pays,
Aller vers un autre,
vers l’Hespéridée
Chaque mot, chaque
mort porte en lui la puissance sacrée
d’un dieu seulement personnel
Toute illusion envolée
Une image de tarot, l’étoile Renoncer au
vide
Ecrire porte le cri et
crie l’enfant perdu
Les longues plages transcrivent
les foisonnances,
les rythmes des cœurs
roulés dans l’écume verte
la petite fille joue
avec ces grains, ces graines dans le jardin secret
une lune gothique perce
les secrets, déchiffre la clameur des endormis de la vague sombre
se répercute en un
souffle imprévu
d’un bord à l’autre de
la maison abandonnée
sur la terre étouffée
de feuilles
La main tendue d’une
enfant aux chaussettes blanches
Des cerises d’un rouge
sombre, presque noires,
Comme la nuit, ou
l’éternel repos, serait-ce un repos que d’être dormant
dans un creux de terre
ou de cendres après le feu, l’incandescence ?
La grisaille d’une
guitare si lente
Qu’au cours de
l’automne
Si long, le temps -
absorbant toute respiration-
serait feuilles et
rondes de vent
là où le corps de la
falaise touche le ciel
Les vagues ruissellent
sur ma fenêtre
Tout est bleu dans mon
bateau
Le silence, audacieux,
d’un arbre aux fruits dorés
S’insinue dans chaque
interstice Et ne ment jamais
Il existe un lieu
d’ombre glacée
De neiges et de
frissons
la vie, cantique à
l’envers,
chant des nuages
annonçant tout orage
une eau de neige
éventre la plage, à la légende des disparus
faire corps avec la
brisure du couchant
le bateau ne prendra plus
l’eau, -il se fige parfois – s’éloigne de moi
L’aveugle chante
Eleison, sa voix s’éparpille en mille mouettes affolées
Ce qui cisèle les six
ailes des chérubins se blottit dans « le cimetière marin »
En cette lamentation
des rescapés, au sein des respirations salées
Chaque courant court
vers le large, prendre le large
Courir, fuir, flotte
en mes veines un parfum d’embruns,
de vagabondes sauterelles ou de ce goéland perché sur le toit
une maison solitaire sur la falaise
au haut de la dune, tout ne serait qu’un mythe
je ramasse des coquillages, silence moi aussi,
sans audace, le sable doré au soleil couchant
la main d’un dieu perdu dans le miroir,
reflet d’un hier, les yeux de la gorgone,
un étrange éclatement,
Plutôt oubliés, les os
tremblent, de froid, treize degrés à l’ombre d’une salle rouge
un matin qui vacille, les frissons des étoiles sur fond de nuit bleutée
un étrange mouvement dans le cœur fait frémir la buée sur le miroir
qui se regarde et se perd ? Le sang se cache dans les artères,
de mer et d’écume incendiées
des pages flamboyantes - lettres brûlantes
d’une sonorité familière, elle est là, elle va, elle vient
aucun repaire possible dans les dunes, une citadelle de cierges devraient
brûler les cieux
sur la plage des trépassés en une eau couleur de mer, d’océan
lancer des cailloux de mémoire, des fleurs, des offrandes, L’aveugle chante
Eleison,
le café sombre dans la tasse bleue
parcelles de chairs brûlées et ces cendres
de précieuse épines crissantes immobiles
s’envoler au lointain des mortes verdures, glissantes
Tu n’es qu’une allégorie
dans l’apparence d’une ronde
le soleil est blanc sur la frontière de clarté
survoleras-tu la vague ? Tu n’es qu’un oiseau de passage
l’inscription des jours oubliés portent, emportent tous stigmates
sauvage, indomptable la marée au creux des yeux
la poussière dans chaque repli du vent
les fleurs disparaissent, chant de songe
songe aux plumes qui frémissent dans ta poche
fille de la nuit primitive, laiteuse, la déesse blanche si pâle
sur son corps se figent, scintillent des perles d’eau
Fuir au-delà de toute
dévastation, de toutes surveillances,
les émigrés dorment sur les vertes herbes glacées
certains se sont endormis dans le creux d’une mer muette, inexplorée
des enfants danseront sur les feuillages
opalescents
en une subtile cérémonie, souvenance
ce qui tombe du ciel ne fleurit pas, ne remonte pas vers les nuages,
certaines actions semblent étranges, la muse se meurt, elle n’est rien
La lune était bleue,
figure indomptée, détachée des dunes,
dans son cercle inspiré par la mer
ce qui frissonnait sur le sable, ces lambeaux de vie, ces valises vidées,
ces rêves devenus tombes liquides,
aux mains sauvages de dieux inhospitaliers,
les vies scellées au loin de la patrie
La lune s’évanouit en
une aura de feu, de cyclamens
Ariane à jamais
abandonnée, enlacée par les vagues
ce qui se fixe en maison 12 où culmine un soleil sans force
Tout ce qui se perdra au
fond des nuits d’insomnies
pourrait devenir enluminure, souvenance
et fendre de citrons, d’oranges, les ailes des anges
ils avaient faim, froid, seuls, bousculés, là où la brume enlace les
coquillages,
coquilles creuses pour chaque âge sacrifié
la mort aux ailes de corbeau les confie à l’immobile apaisement,
leur a fait perdre l’origine, il n’y aura pas de boite, ni de pierre
dressée,
le drame s’achève en majuscule d’un désastre
Il y aura pourtant un
temps de souvenance, de vertigineuses incandescences
ce qui nous étourdit est achèvement
au fond de la mer, en une cadence obsédante
pérennité au roulement des écumes, chevelures stellaires,
les nouveaux endormis sommeillent sur la vague qui vacille.
Peut-être, cela n'existe pas Ces anonymes poursuivis
Peut-être, ces pays lointains ne sont que fraîcheur et délices
Ariane ne s'est pas perdue sur une île Les clandestins ont franchi chaque frontière
et plus aucun Eleison ne se fait entendre au long des plages
de verres explosés, de bouteilles jetées, de songes évanouis
alors l'aveugle pourra chanter la chevelure des nuages
la beauté de la mer ensorcelante
Pourtant hélas les nouveaux endormis sommeillent sur la vague qui pleure.
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