Un jardin qui s’ouvre, en pleine maturité : une terre qui n’avait rien porté durant
quelques années, fructifiée maintenant, fluide, prospère dont le jardinier,
passionné et passionnant, intarissable, offre les fruits de sa recherche et de
ses études avec une voix captivante dont le Verbe végétal s’allie à la
"complexe simplicité " de la nature et qui sait prodiguer des
conseils judicieux, à la manière d’un enchanteur.
Je crois qu’il serait possible de l’écouter des heures
durant car il aime son travail, et sait
transmettre.
Un enclos installé comme un jardin médiéval, un jardin ancien ;
Les branches du bois de noisetier
sont attachées, posées en barrières , formant des parcelles closes,
magnifiées par les couleurs des plantations. Isolé, entouré par des
arbres : des bouleaux, des arbres fruitiers sur une dizaine d’hectares et
qui pose ainsi une réflexion paysagère
manuelle et botaniste. Un jardin qui rappelle celui des Héspérides,
celui d’Eden, le jardin de Mélusine ou d’Aphrodité, les prairies d’Asphodèles.
Dans ce paysage au bord de l’eau, aucun secret des
plantes ne semblent résister à nos
interrogations.
Les mains du jardinier sont flexibles, rapides et travailleuses ; de la terre au
bout des doigts, il nous accueille et poursuit son travail : il plante en
pots des fleurs africaines : des graminées. Il nous montre ses pousses de palmiers dans l’ombre des
trembles ; puis nous parle des agapanthes bleues qui se dressent altières et fines tiges, fleurs d’Afrique du Sud si bien
acclimatées.
C’est un lent, calme parcours olfactif et
gustatif ; un voyage itinérant
qui va de plantes officinales aux rosiers en passant par les sentes d’herbes
gourmandes ou tinctorielles.
De petites
allées insolites de Simples, de
fleurs : verveine officinale au goût amer, amertume et vent de
mer ; rosiers et lavandes, mauves et guimauves, angélique aux mélodieuses
brassées embaumées et parfumées.
Les effluves odoriférants titillent vos narines au détour
de chaque petit sentier. Un magnifique buisson d’églantier, des lys rouges,
jaunes et oranges à la tenue irréprochable ; des roses anciennes,
blanches, rosées, aux pétales ronds, touffus comme les voiles d’une robe de
bal, au parfum subtil. D’autres roses de teinte neigeuse ou
rosissante mais d’une tonalité
beaucoup plus légère que les précédentes,
avec juste quelques pétales ; fleur sauvage, cousine de l’églantine, plus
indépendante, gracieuse et élégante.
les tiges sont belles, parfois pourpres, avec peu d’épines ou bien
vertes qui rampent et s’élèvent en
une courbure végétale harmonieuse.
Des jonchées
d’absinthes, de menthes. Quelques
dégustations : découverte d’une plante inconnue, l’agastache
funiculaire qui donne au palais
lorsqu’on la savoure, un goût exquis de réglisse, de sucre, d’anis et qui peut
se déguster avec une tarte, une salade. La menthe glaciale décoiffe quant’à elle.
Il faut aimer ça ! Le parfum de la menthe bergamote est hespéridé et agréable ;
La menthe citronnée m’a paru un peu doucereuse ; la menthe gingembre et la
menthe ananas sont inattendues. Petite recette : du miel du fromage de chèvre
sur une tarte avec de la menthe ciselée.
La valériane, la verveine citronnée, la verveine
officinale, les menthes, un parterre de ciboulettes et de l’ail de chine, la pimprenelle qui soigne brûlures,
blessures, coupures en si peu de temps ; tant de couleurs, d’odeurs, de
fragrances peu ordinaires mais qui font partie de notre inconscient collectif.
On pense aux tisanes, aux médecines naturelles, à la phytothérapie, aux soins
par les plantes. On se souvient des jardins de nos enfances où l’on aimait tant
se pencher vers une rose odorante, cueillir des brins de ciboulette, déguster
les framboises sous les rayons su soleil. Je suis étonnée aussi comme je trouve
des similitudes entre le vocabulaire médical et le jardinage.
Rose, bleu, blanc et vertes tiges, des aquarelles de fleurs qui dansent
sous le vent. Il a beaucoup plu
ces jours ci ; le vent vient de la plage ; Les rayons de soleil entre
deux averses légères donnent aux plantes florecsentes une densité et une lumière
marine.
Quelques roses impériales ou royales, altières et nobles comme
la Chambord rouge presque violine ; d’autres roses plus voyageuses comme la
Jacques Cartier ; rose
ancienne aux pétales de nacre pâle.
Un hymne s'élève, presqu'imperceptible : les tiges
vertes ou rouges, ambrées se couchent sur la terre, s'élèvent, tourbillonnent,
se déhanchent ; les pétales
bruissent dans le vent, entourés d'abeilles ; les légers plumetis de certaines
fleurs se disséminent, se penchent et les herbes légères tanguent ou se tendent
; tous les végétaux s'unissent en
une mélodie, un chant aux perspectives colorées ; Des basilics, des thyms ; du romarin et de la sauge. Des achillées, achillées mille
feuilles de tous coloris aux charmes nuancés. Des solanées, des sauges. La rhubarbe et la rose qui se
marient si bien. Des camomilles romaine et officinale. Des coquelicots et des escholzias : pavot de
Californie. Une poésie éclatante et légère pour un enchantement floral, vivace
qui sculpte notre mémoire et pérennise ces instants de vagabondage entre les pousses.
"Le climat dans la région est semi-tropical mais, dans ce jardin, explique le maître des lieux, c’est malgré tout plus froid et
plus humide. Pourtant, par ici, de Tréguier à Saint Brieux, ça gèle à peine ou pas
longtemps, le climat permet d’acclimater les plantes tropicales. "
C'est un perfectionniste aux gestes nobles, calmes, posés. " Demain, il
fera jour aussi. Je continuerai ce
qui n’a pas été terminé
aujourd’hui " dit-il. Il vit au rythme de la terre, travaille dans les
jardins, dans son jardin de Méridoul
et vend sur les marchés ses plants et ses fleurs ; nous l'avons rencontré chaque fois au marché de Plouha et à Plouézec. Très attentif et très professionnel.
Quelques unes de ses phrases sont demeurées en nous,
et suspendent le retour à la ville.
« - Pour les boutures de rosiers : couper
avant l’œil, pour ce qui deviendra racine, sur le bois aoûté donc sur un bois
qui a déjà fleuri et au mois d’août.
- La terre est soumise ici à un Micro Climat généré par le golf stream qui offre de la chaleur et moins de
gel, ce qui permet aux plantes tropicales ou semi tropicales de se satisfaire
de ce sol et de s’y enraciner.
- La rue possède des feuilles que l'on utilise dans certaines potions médicinales
mais elle peut être dangereuse car elle est photosensibilisante et peut
nous brûler lorsqu'elle se trouve
dans les rochers, près de nos peaux.
- la
courbure donnée à la branche de rosier envoie la sève dans les
bourgeons.
- Ici les palmiers se sont bien acclimatés ; les
graines et les plantes apportées par les armateurs au long cours se sont
installées comme en une terre
promise.
-La camomille officinale permet de guérir les
conjonctives par des bains d’yeux.
- Il faut
scarifier les graines de pivoines : récolter en août les graines puis, dans un pot, disposer
une couche de sable, une
couche de graine. Ensuite, mettre le pot au sec au nord et protégé de l’eau, sous un arbre, c'est
pas mal et le laisser retourné. Ne pas y toucher avant 6 mois ; en avril c'est bon. On les
plante ensuite et on a de magnifiques
pivoines botaniques. Comme pour la
glycine, 7 ans avant floraison.
- Les plantes azotées : orties et absinthes,
consoudes permettent de puiser et de dégrader l’azote de la terre ; déposer leurs feuilles ensuite en jonchées pour tapisser le
sol sous les pieds des rosiers qui
ainsi, par ces composts naturels
peuvent se nourrir et s’enrichir.
- Un rosier malade est un rosier qui a faim ; il
ne reçoit pas assez de bons
microbes et de minéraux pour rester en bonne forme.
- L’exubérance de certaines plantes est adoucie par
des herbes plus sages ; un lieu intime, secret qui se dévoile pas à
pas ; gestion écologique ; faune et flore voisinent en paix ;
prendre le temps de sentir, ressentir ; écouter et regarder.
- Ici, c'est une terre qui permet d'acclimater les
plantes australes, africaines : cactus, palmier, agapanthe.
- Les feuilles de rhubarbe peuvent tapisser le sol
pour un compost et une protection.
- Psychologie des plantes : les ifs bordent les
cimetières; ils parlent des endroits sombres, génèrent une atmosphère soit lugubre et noire soit mélancolique ou invitent à la méditation,
à l'approche de la mort mais son bois confère également la longévité,
l'immortalité. Le saule
pleureur amène la mélancolie, porte notre tristesse. Le noyer fait que rien ne pousse sous son
branchage.
- Peu de roses jaunes : la rose jaune est une rose de culture et de recherche ; elle
aime la chaleur. Les teintes de ces roses ne se mélangent pas car il n'y a pas d’hybridation : tout dépend de la génétique de la
plante.
- Les pétales fanés tachent les feuilles, rendent
malade le rosier. Il faut enlever les fleurs et les feuilles malades, ne pas
les laisser au pied du rosier. »
Nous avons quitté l'hospitalité de ce jardin insolite et poétique dont le naturel est façonné
par la flexibilité des simples et
l'élégance des roses. Un jardin qui dit comment se soigner par les plantes médicinales
ou officinales : vertus des modestes Simples et comment se nourrir avec
les légumes, les fruits, les
plantes condimentaires ; un jardin qui
dévoile la beauté d'un
espace par des perspectives et des courbes choisies et qui enchante l'ambiance
par ses fragrances végétales et florales.
Un jardin ouvert à la croissance et à la vie où l'on
cueille et se recueille. Un jardin
d'ombres et de clartés, non loin de la mer, non loin du château de Lizandré, à
Plouha, où il fait doux se promener, où l'on reviendra.
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