vendredi 20 mai 2011

extrait le jardin des enfances

"... Sur la nuque errante des collines se posent les ailes des signes pluvieux. Le gazouillis du lilas poignarde l’obélisque liquide. Un poivre d’oasis pimente la lente migration des herbes fruitières.

Sous la figure blême du matin, se dressent les barrières des jardins.

Un chat se montre à une fenêtre. Un enfant roule à bicyclette sur la route poudreuse. Il n’y a aucune animation dans les rues. Tout semble désert. Il fait certainement trop chaud. Où il n’y a personne.

Là où l’inconnu qui observe emprisonne les détails et dénie tout oubli, nous pouvons laisser, inexploré, l’insolite rêve de l’enfance car les oreilles lointaines de nos ancêtres sont sourdes à nos puériles insistances. Et plus personne ne peut raconter l’histoire de ce pommier, de ce fleuve, de cette route. La mémoire est devenue indécise. C’est peut-être mieux ainsi. Chacun peut alors créer sa propre histoire. Le lieu devient inaugural.

Immobile pénombre. Éphémère clarté. Tout se succède, se complète et se ressemble. Pour un arbre de neiges, de ronces, d’écailles en roses d’anthracite, quand s’éparpillent les cris des enfants qui s’éloignent. Combien de silence faudrait-il encore pour que tombe la pluie ?

C’est au croisement du carrefour qu’apparaît la lueur innocente d’une robe d’enfant qui danse. Un peu plus loin, se dresse le mur du verger.

Lorsque perle sur les lèvres entrouvertes le lait vernal, et qu’ondule dans le regard l’ivresse des lucioles d’or, tu parviens à l’épilogue d’une histoire mais tu ne peux méditer, là où jadis, résonna l’écho des canons. Là où jadis, les étrangers furent insultés. Tu peux juste graver la beauté d’un geste, la courbe d’un espace, la magie d’une plante et c’est bien cela qui importe. Le reste, au demeurant, semble superflu. Il ne servirait à rien de méditer, de songer quand il suffit de voir et de regarder pour découvrir l’immuable.

Ce sont les silencieux qui attirent la pluie sur les plaines du Nord. Il y a ici, comme un peu plus de tendre discipline : les herbes s’accrochent aux grillages en une harmonie de formes, les branches des pommiers épousent l’enceinte de pierres. Il y a là le goût de l’homme de se tenir en repos. Comme une particule d’immortalité. ... "

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