dimanche 4 janvier 2015

des lignes noires et blanches





Le jour la nuit des lignes blanches et noires la route qui s’enfonce dans le lac
L’oiseau si sombre ne peut s’envoler ; il a peur de la mer aux immenses vagues
La couleur noire est si lourde, elle pèse sur les plumes, empèse l’espace,
Les vagues viennent si vite, comme expulsées hors  de l’écluse
Portes ouvertes le barrage a cédé
Comment lutter encore ? Tout est emporté et elle, elle flotte,
Bout de bois qui voudrait hurler, le cri de Munch, et pourtant, qui entend ?
Personne n’entend ; Dieu se tait, il se cache, les animaux se taisent,
Dieu est comme l’oiseau aux ailes de nuit
On le confond avec la terre obscure
On pourrait marcher sur lui on ne le voit pas
Tout est noir opaque et tu t’enfonces
Zone intermédiaire ; tant de cris et de larmes,
Narcisse s’enfonçant dans son propre éclat
Léopoldine flotte sur l’eau, rêve au fond de l’eau,
En un linceul humide qui la berçait peut-être ?
Tout ce qui nous entoure pourrait n’être qu’un décor
Des corps de douleurs et de tendresse
L’oiseau aux ailes de nuit s’égare, je m’égare
Où est la gare ? Les trains sont rouillés, abandonnés,
La voie du chemin de fer : No Mans ‘Land.
Le monde est sans ordre, tout s’oppose à la représentation
Les images mettent de la distance entre toi et le monde
Elles cloisonnent aussi, parfois éveillent ou libèrent
Elles portent en elles notre limite, celle qui témoigne
Dieu est fragile Si tu aimes son éternité,
Tu déclenches la chute de Troie
Cassandre est seule infiniment comme Anne sur la plus haute tour
Narcisse se perd en son propre néant
Peut-on vraiment n’être rien ? S’anéantir dans le rien
Et passer de l’autre côté du mur
Tu tournes et marches le long du mur
« Où est la porte ? » se demande Alice et elle tourne et tombe
La voix qui parle imite irrite n’explique rien
L’enfant ne peut même pas pleurer Sidération
Des lettres aux enveloppes ouvertes sont éparpillées,
Tiroir ouvert, lettres profanées,
Des mots d’hier, encore inépuisés,
Désirs perdus en un puits de songes creux,
Tu marches et tu t’épuises, comment sortir du labyrinthe ?
Tu dors et tu rêves, tu attends et tu ne sais vraiment pas
Ce que tu attends ! Mais attends-tu quelque chose ou quelqu’un ?



Le soir s’essouffle dans le jardin au vent glacial,
Les enfants de septembre se sont perdus sur la lande
Aux pierres brisées, le mausolée a été englouti et toi tu n’as rien trouvé.
Dans les églises vides, paix sur la terre ! Les hommes se dévorent,
Cannibales féroces, les avions explosent, les navires sont en perdition,
Et lui, il marche, seul, solitaire, sur le jeu d’échecs,
Noir et blanc, mat, échec et mat !
Jeu de cartes, le cœur et le pique s’affrontent, moi je jette le joker !
Des pierres gravées, le disque de Phaistos et des signes magiques,
Tout est magique dans la poussière du rire des anges,
Une étincelle du paradis qui embrase le ciel.
Dans la rue des obscures boutiques, monsieur Modiano se promène,
Et moi j’aime à le lire, dans le bus, dans le métro,
Là où jamais il ne viendra regarder les errants qui passent.
Sous la terre, je ne respire plus, je m’enfonce en un brouillard irréel,
Les gens deviennent des formes vides, qui bougent lentement,
Dans la brume, leurs visages sont autant de stigmates,
Et le métro fonce à toute allure, il fait bien trop noir,
Je glisse sur l’échelle rouillée, je m’agrippe aux barreaux glacés,
Tout en bas, des pommes de terre et des carottes,
Ça sent la terre humide, le tombeau, il fait bien trop noir
Dans la chambre, il y a trop de sang sur le drap.
Sans le rire des enfants, la journée ne fait que s’étirer,
Du matin au soir, dit mon amie au cœur lourd, et sans lumière,
Moi qui suis-je après tout pour écouter et comprendre ce qu’elle me dit ?
La poupée est si grande dans le coin de la pièce, elle m’effraie parfois,
Tellement statique, rigide, inhumaine.
Mais les poupées ne sont pas humaines de toute façon,
Elles ne sont que des effigies, de pâles répliques, des statues
De cire, de plastique ou de bois. De futures reliques.
Une grotte ou l’eau d’une pluie diluvienne s’évapore,
Dans le creux des feuillages, embaume le lilas.
Si la mort n’est pas étouffante, elle est voyage
Sur la rivière des parfums, sieste dans un sampan de bois,
Les cacahuètes brûlantes sur le sol, il pleut,
Il ne cesse de pleuvoir, mon cœur est heureux,
Personne n’est triste. Le jour, la nuit, des lignes blanches,
Des lignes noires et le silence.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire