lundi 11 octobre 2010

la plage des acanthes



Le jardin sommeille auprès de la mer. Les orties le long de la route veillent, assoiffées. Les cendres tombent du ciel. Dans la plus haute figure de ma tristesse est vivante mon ombre. Quelqu'un pleure en moi. C’est une vieille femme assise sur l’herbe devant une tombe d’argile couverte de bruyères. Sur la photographie incrustée dans la pierre, c’est mon visage que je dévoile lorsque j’écarte les branches du rosier qui s’entortille et grimpe. Au plus profond de l’obscurité de la cave dans la maison d’Alphonse, un silence presque religieux.
Buissons de myosotis où le ciel se fait si bleu et si proche, une eau de mer, noctambule, plage de souvenirs, autre temps, autre refuge. Le linge est pendu, les draps battent le vent, sur la corde tendue entre les deux branches du tilleul et du noyer.
La poussière du jour enfle, gonfle : l’air est soudain si gris. Les rameaux des fleurs s’entrebaillent, découvrent un petit chemin qui monte vers l’aurore orpheline, somnambule.
Dans un miroir de chagrin, au fond du vieux couvent, la poupée oubliée se recouvre de toiles d’araignées. Le mur moisit là où glisse l’eau des pluies du Nord. Des octaves sévères se balancent sur les arbres. Les mains vertes s’agitent, se ploient vers les simples du jardin, les hortensias ici sont bleus. Ils ne tremblent pas sur le remblai sans soleil.
Les acanthes s’élancent, la dormante du cimetière est cette amante en robe blanche, passante de nos aubes. Lors du crépuscule la belle dame noire se cache dans les plis de l’obscurité. Qui se souviendra de ceux qui sont morts ? De ceux qui n’ont plus de nom ? Les myosotis disent " ne m'oublie pas". Dans la bassine de métal, les poissons bleus dansent, on peut imaginer les feuillages des arbres, tout près du petit pont.
Le brouillard nous égare parfois, tôt le matin, au sortir du lever. Sur la vague aucun bateau encore. La mousse muette s’accroche aux tristes enfances mais douce, humide, elle accueille le papillon. Demain, j’irai somnoler dans la plus haute tour de la maison. Pas de batteuse venue dans le champ de blés.

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