mercredi 13 octobre 2010

rouge, le coeur de la nuit.


les jeux d'enfance ou d' innocence, les ombres qui s'enlacent ou les formes qui marchent, l'eau bleue et la vitre fermée ; où est la jolie poupée à la robe blanche, aux cheveux blonds ? La poupée de Pologne qui me regardait du haut d'une antique armoire de bois sculpté et que l'on m'a donnée en souvenir. Tant de couleurs et de bonbons qui dansent dans les yeux. L'oiseau qui chante sur la grille, le chat qui se sauve, papillon envolé, les ailes du cygne mort sur l'herbe verte et gelée du jardin. Le lac, hier, était glacé.
Maintenant, trois fillettes vont tournoyer entre les arbres aux feuillages pourprés. C'est l'automne, il faisait très froid cette nuit. Au fond de ces yeux qui m'observent, le parfum des amandes encore vertes, le goût de la marjolaine et le brouillard d'octobre sur la plaine nue.
Une fillette tournoyait au gré des rayons de lune, au clair de la lune, mon ami disparu, Pierrot qui marche au loin ; les légendes des fées et les fées des légendes, cet effet qui nous défait et nous surprend.
Au sein de la nuit enflammée, un feu de bois qui flamboie, au fond de la cour envahie de feuilles volantes et craquantes. Des éclats jaunes tanguent sur les cheveux bruns.
L'enfance, le temps de l'ours et du lutin, tous ces rêves qui s'évadent de la boîte à merveille de Pandore. Les roses s'enlisent dans un sommeil frais. Leurs pétales se recroquevillent. La fillette s'engouffre sous sa couette, terrorisée, de quoi aurait elle peur ?
Dans le parc du château sans nom, un paon lance sa plainte noctambule. j'avais peur de ce cri, on me disait que c'était le loup. La nuit tombait goutte à goutte, s'infiltrait en nous tandis que marchions lentement. La grand mère disait que le loup vient prendre les enfants désobéissants, que le loup ou alors parfois Baba Yaga savent où ils vivent, qu'on ne peut tricher avec le bien et le mal.
Là-bas, au creux de la pénombre, une Marie- Magdeleine de voiles et de parfums comme d'un linceul brodé, recouverte, à la robe de songe qui suinte, presque de sang ; dentelles ou toiles arachnéennes : toutes ces vieilles histoires des grands mères. La morte errait dans la forêt, elle n'était jamais partie. Elle pleurait sur la pierre tombale. Elle appelait celui qui passe et elle l'enveloppait de plumes de paons.
Des clartés ici, des lumières de la ville, là-bas, les voitures sur l'autoroute, un train qui passe. Des automnes ensevelis, une chaussure oubliée dans un champ, un voile de mariée qui vole au vent. Elle vient, elle s'avance, entourée de rayons de lune, de lueurs cendrées ; secrète, fascinante, ses bras enserrent un grimoire de cuir rouge, d'où s'échappent quelques feuillets à l'encre pâlie. Des grappes de chevelures ou de raisins, frisures de soleil et d'opiacées.
Le corps ployé vers l'argile décompose ses mouvements, agencements de visages, de membres et de bras qui expriment une noce dévoilée mais aussi presque lugubre. Dans la pièce aux double rideaux fermés, la fillette se ploie, l'ombre est démesurée.
Le long d'une chambre aux portraits, écoute la chanson perdue. Galerie de visages : meurtrissure, baisers volés, pommes croquées. Saisir sur le vif. Prendre. Respirations nouvelles. Gorge ouverte, de noir gothique, intervalle blanc, nuages sur le port. Des jambes et des fleurs bleues. L'abandon au rouge à lèvres trop rouge. Des ongles de sorcière : trop rouge aussi, l'enfant demande " pourquoi la dame a du sang sur les ongles de ses doigts ? "
Le chaperon rouge a rencontré le loup dans la forêt. Elle n'a pas peur, elle lui offre le beurre et il en mange. Il trouve que c'est bon. Sur le cou de la grand-mère, le loup a laissé un collier de sang. Mais il est rouge, ce n'est donc pas le collier de la reine.
Le nain à la hache marche à pas feutrés sur la mousse. La petite fille met du rouge à lèvres pour embrasser le loup. Elle est polie, elle dit "bonjour monsieur le loup" et elle rit aux éclats. De quoi aurait elle peur ? Oh tiens ! je vois qu'elle a mis les talons de sa mère et qu'elle marche en chancelant ! Rouge, la rose de Saadi et la pelle de plage délaissée, la tulipe dans le vase de cristal, et rouge le coeur qui bat.

(un grand merci à Jean et Sabine qui m'ont offert cette boîte argentée vide,  ainsi j'ai pu en faire un "paysage de chaperon rouge". )

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